René a paru pour la première fois en 1802, inséré dans Le Génie du Christianisme pour illustrer le chapitre "Du Vague des passions", et il faudra attendre 1805 pour que cette nouvelle soit éditée de manière indépendante, bien que jumelée avec Atala auquel le récit fait suite. Ce texte fait date car Chateaubriand met en scène pour la première fois un sujet en proie à la mélancolie, dans un récit de l'intime qui n'obéit pas aux règles classiques du roman. En effet, on ne trouve pas les ingrédients ordinaires du romanesque dans cette oeuvre entre autobiographie et fiction, ni une intrigue à rebondissement, ni même une anecdote sociale (...)
[...] Le lecteur est invité à rechercher dans le récit une autre logique que celle des événements puisque c'est au monde intérieur de son héros que l'auteur s'attache. Cet extrait nous plonge dans l'adolescence de René, à une époque où sa mélancolie est devenue totale, et il fait suite à l'aveu de son incapacité à décrire ses sensations. Dès lors, on peut se demander comment Chateaubriand parvient à faire le récit de la vie de son personnage alors que les actions, jalons habituels du roman, sont inexistantes. [...]
[...] qui rythment et cadencent la prose. L'auteur exploite même le style de la poésie élégiaque lorsqu'il rend le désespoir amoureux de René sur les tons de la plainte et du regret. Enfin le choix d'une comparaison entre le cœur humain et la lyre, instrument qui accompagnait la poésie lyrique lorsqu'elle était chantée, soit avant le XVème siècle, montre bien qu'il n'est pas de langage plus parfaitement adapté à l'expression des sentiments profonds que la prose poétique. Pour décrire les sensations de René, Chateaubriand utilise donc une prose poétique et lyrique, et lorsque les mots ne suffisent plus il nous peint les paysages mélancoliques de l'automne pour évoquer les sentiments de son personnage. [...]
[...] LINOSSIER Elsa Licence 3 TEXTES FONDATEURS Commentaire composé de René de Chateaubriand TEXTE : L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays, le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. [...]
[...] En s'attachant à décrire le mal être de son personnage et l'évolution de sa mélancolie, plutôt qu'à rendre compte des événements de la vie de son héros, Chateaubriand invente un langage novateur dont se souviendront bien des romantiques. Il choisit en effet de mêler les thèmes et le style de la poésie lyrique et élégiaque, plus que ceux de la prose romanesque, pour donner l'illustration parfaite du vague des passions : on est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l'on n'a plus d'illusions. [...]
[...] Dans la métaphore filée sur la saison automnale et par la périphrase euphémistique : Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue la négation, l'emploi d'un impératif attends et la mise en relief de l'apostrophe homme semblent rappeler au héros à quel rang il appartient et lui faire comprendre ainsi que le temps de la délivrance n'est pas venu et qu'il lui faut vivre malgré tout. René est alors désenchanté et il s'aperçoit de son irrémédiable solitude : Hélas ! j'étais seul, seul sur la terre ! Son désarroi, exprimé notamment par la modalité exclamative de cette phrase à forte connotation rousseauiste, est alors total et irréversible. [...]
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