« Nègre je suis, nègre je resterai », proclame Aimé Césaire à la face du monde. Cette formule lapidaire résume à elle-seule son infatigable combat pour la dignité du peuple noir. Que ce soit sous les habits du poète, du dramaturge ou de l'homme politique, ce pourfendeur de maux n'a jamais cessé de dénoncer les heures sombres du colonialisme et de l'esclavage. Derrière une silhouette gracile, presque fragile, se cache une forte personnalité, un écrivain à la plume aiguisée n'hésitant pas à ouvrir les blessures du passé (...)
[...] Sa palette chromatique à lui est curieusement réduite : pour l'essentiel, le noir et le blanc dans leurs oppositions tranchées ou combinés dans de subtils clairs-obscurs. La couleur, c'est assurément une différence de taille. Pour Aimé Césaire, la terre n'est donc pas bleue, mais noire comme une orange, une terre noircie par les mémoires blessées, les injustices, le racisme, les discriminations. Dans le Cahier d'un retour au pays natal, qu'il commence à écrire dès 1935, Aimé Césaire se fixe pour mission d'être le porte-voix de la négritude. Ce combat identitaire ne le quittera plus. [...]
[...] Aimé Césaire a toujours eu horreur des injustices. Il découvre aussi les écrivains surréalistes. Dans le programme révolutionnaire du Surréalisme (Manifeste du Surréalisme, 1924) sont développés les ferments de sa propre révolte : en finir avec les dogmes, les canons esthétiques, les conventions de la morale, n'avoir ni dieu ni maître. Il adhère au mouvement sans réserve, d'autant plus facilement que les surréalistes s'approprient le mot d'ordre de Rimbaud, changer la vie Ses liens avec le surréalisme se renforcent après sa rencontre avec André Breton à Fort-de France en 1941. [...]
[...] Ma mémoire est entourée de sang. Ma mémoire a sa ceinture de cadavres écrit Aimé Césaire. L'abolition de 1848 est le résultat d'un long processus secoué par les hoquets de l'histoire. L'esclavage est aboli une première fois le 04 février 1794 sous la Révolution. C'est ce qu'Aimé Césaire appelle avec ironie la farce de pluviôse de l'an II puisqu'il est rétabli en 1802 par Napoléon. Seule la traite est interdite en 1827. Cependant, la multiplication des révoltes des esclaves (1831-1833 en Martinique) attise les critiques d'hommes éclairés qui créent en 1834 la Société française pour l'abolition de l'esclavage. [...]
[...] Aimé Césaire, qui a défriché tous les recoins de la langue française, invente son propre langage. À l'image d'un quimboiseur créole, il mélange dans le chaudron de sa création des graines, des touffes de mots, des senteurs et des saveurs autochtones et d'outre mondes. Ses poèmes ont leur tempo, leur rythme, leur vibration intérieure, réminiscence de l'Afrique. Son écriture se lit comme on écoute une parole, heureux mariage de l'oraliture, cette symbiose de la littérature et de l'oralité créole. Son alchimie se compose d'une savante mixture, inspirée du surréalisme, faite d'anicroches syntaxiques et de signes de ponctuation en permanente rébellion. [...]
[...] Africains et Antillais y confrontent leurs expériences. Ils parlent immanquablement de leur relation à la métropole, de la colonisation. Ils s'interrogent sur leur identité. Il n'est pas facile d'exprimer sa différence à une époque où, dans les colonies françaises, les instituteurs enseignent aux enfants que leurs ancêtres sont les Gaulois, que Vercingétorix est le père de la nation. Les enseignements des hussards de la République ne pouvaient que les plonger dans un immense doute. Deux questions existentielles taraudent l'esprit du jeune Aimé et de ses amis. [...]
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