Les historiens se sont constamment interrogés sur la façon dont il convient de situer le nazisme par rapport aux mouvements politiques totalement inédits qui, depuis la Révolution bolchevique de 1917 et la « Marche sur Rome » de Mussolini cinq ans plus tard, ont changé la face de l'Europe. Le Komintern définit le nazisme comme une forme de fascisme né d'un capitalisme en crise tandis que les démocraties occidentales (et principalement les Etats-Unis), soucieuses d'illustrer l'adversaire de la guerre froide, considérèrent le nazisme et le communisme soviétique comme les deux faces de la médaille du totalitarisme. Enfin, entre fascisme et totalitarisme apparut une troisième théorie mettant l'accent sur la singularité du nazisme du fait de l'héritage de l'Etat autoritaire prusso-allemand, de son développement idéologique et de la singularité même de Hitler (hitlérisme).
[...] De ce fait, le mouvement nazi était un amalgame de forces sociales si contradictoires qu'il était totalement incapable de produire la théorie ou la pratique d'un quelconque ordre social réaliste. La communauté nationale n'était pas un slogan destiné à transformer les structures sociales mais le symbole d'une nouvelle conscience de soi en phase avec les objectifs nationaux du Führer. Inculquer ce genre de valeurs au peuple allemand relevait avant tout de la propagande et non d'une politique sociale. Malgré une tentative de changer l'interprétation de la réalité sociale chez les ouvriers (par des motivations nationales contre l'appartenance à une classe), le nazisme au pouvoir produisit la société de classe la plus brutale et la plus exploiteuse de l'ère industrielle. [...]
[...] Néanmoins, les quelques conceptions adverses permettent de modérer la première thèse ? Hitler avait une conception stratégique mondiale dans les années précédant immédiatement la guerre au moment où son espoir d'une alliance avec la Grande-Bretagne s'évanouit, puis avec l'entrée en guerre des Etats-Unis. Après, il entretient encore de faibles espoirs utopiques, mais y voir des éléments d'un programme d'hégémonie mondiale semble excessif. Cependant, le nazisme ne pouvait pas arrêter son mouvement perpétuel son dynamisme interne et externe était sa condition de survie, à quoi venait s'ajouter une conception de l'existence imprégnée de darwinisme social et transposée par Hitler en une lutte titanesque entre les nations dont l'issue ne pourrait être qu'une victoire totale ou une complète destruction. [...]
[...] L'absence d'un gouvernement collégial et centralisé favorisa le morcellement du pouvoir central et la prolifération d'administrations et d'organismes avec à leur tête des ministres œuvrant largement chacun de leur côté. Ces centres de pouvoir vitaux, dont l'autorité découlait d'un mandat du Führer (la police et les SS étant les plus importants) réduisait donc le régime à un agrégat désordonné et constamment mouvant de centres de pouvoir et de factions rivales. Ce chaos d'administrations, qui devaient traduire en terme bureaucratiques le pouvoir charismatique de Hitler et transformer de vagues directives idéologiques en lois codifiées, explique finalement la chute accélérée du régime dans la violence, l'anarchie et le crime. [...]
[...] En gros il se produisit un renforcement du pouvoir du bloc nazi (en particulier des SS-police-SD (service de sûreté)), et un affaiblissement corrélatif, mais différent d'une sujétion, du grand patronat et du haut commandement militaire. Au départ, le bloc nazi étant faible, le grand patronat n'avait pas de mal à faire prévaloir ses vues (ascension de Schacht et élimination des SA). Mais l'impératif des industries d'armement l'emportèrent bientôt sur le problème de la consommation intérieure, si bien que dès 1936, les rapports avaient évolué. Ayant réussi à maîtriser la crise de 1936 et donc consolidé ses positions à l'intérieur du cartel, la direction nazie put donner davantage aux considérations idéologiques dans sa politique. [...]
[...] L'ouvrage tient donc de l'excellence quant à la présentation sommaire des explications du nazisme et quant aux implications qu'elles suggèrent sur le sujet, sur la méthode d'investigation et sur la société héritière de ce passé. Toutefois l'analyse détaillée de Ian Kershaw conserve quelques inconvénients. Malgré tout l'effort que l'auteur entreprend pour produire différentes explications du régime nazi, on a du mal à trouver une vision d'ensemble utile à la compréhension du phénomène. L'historien n'aborde pas des avis suffisamment tranchés sur les controverses d'explication. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture