Le règne de Louis XIV débute en des temps troublés où l'agitation de la Fronde se fait encore sentir. Celui que l'on appellera Le Roi Soleil affirme dès sa prise de pouvoir sa volonté de rétablir l'ordre dans un royaume qu'il veut magnifier. Surnommé "La Franchise" durant la Fronde, le Duc de la Rochefoucauld a alors la réputation d'être le type même du féodal fougueux ; rentré en grâce, il devient le héros des conversations après avoir été celui des barricades et entame une carrière mondaine à la Cour et dans les salons. Le cardinal de Retz, intrigant et en marge de la Cour, voit ce revirement d'un oeil cynique, d'autant que le Duc ne l'a guère épargné dans un de ses portraits (...)
[...] En effet, il n'a jamais été, par lui- même, bon courtisan, ce sont ses écrits ou ses relations qui l'ont imposé mais sa personnalité ne brille pas comme devrait briller celle d'un honnête homme à la Cour. A l'amour de la politesse que développait la Rochefoucauld, répond la sentence du Cardinal il eût beaucoup mieux fait de [ . ] se réduire à passer, comme il l'eût pu, pour le courtisan le plus poli. Outre le fait qu'être le plus poli est ridiculement insignifiant sur le plan de la valeur individuelle, notons que l'adjectif poli peut renvoyer au caractère lisse, insipide d'un courtisan décidément bien médiocre. [...]
[...] Il semble au premier abord que le narrateur veuille atténuer les défauts du Duc en lui reconnaissant la possibilité de les éviter. Pourtant, l'irréel du passé prouve qu'il n'en a rien été. De plus, le mouvement ternaire s'achève sur l'évocation de celles qu'il n'avait pas, la conclusion soulignant ironiquement le manque inexorablement ancré dans la personnalité du Duc. III Portée critique du texte A Dévaloriser l'honnête homme . Toute cette stratégie oratoire est mise au service de la portée critique profonde du texte. [...]
[...] Le partitif du, indénombrable, renvoie à une multitude de défauts si bien policés qu'il n'apparaissent pas à première vue. Il s'agit pour l'instant de comprendre la règle générale d'échec du Duc comme le soulignent les expressions aucune, en tout autre et tout ensemble. Mais cette démarche se heurte à une incompréhension de la part du Cardinal : je ne sais pourquoi. Aussi va-t-il se limiter à l'étude d'une manifestation de cette incapacité : son irrésolution. L'auteur tente alors de rechercher les causes de ce comportement, et se heurte à la même difficulté d'analyse objective qu'il reconnaît encore une fois : je ne sais même à quoi attribuer cette irrésolution. [...]
[...] C'est en fait que le Duc ne sait pas mettre en pratique sa théorie, comme le souligne la concessive : quoiqu'il ne l'ait pas exquis dans l'action, il a un fort bon fonds de raison. Les deux morceaux de la phrase, quasiment isométriques et rimant entre eux, proposent donc une vision satirique d'un point capital. Le Duc a un fondement de raison qui déjà n'est pas développé. Cela revient à l'idée d'un bon sens primaire déjà évoqué. En effet, cet homme qui se croit brillant n'est qu'un rustre. [...]
[...] Et que cache le mot courtisan ? S'agit-il du substantif désignant communément l'homme de Cour ? Ou suggère-t-il un caractère vil et flatteur d'un arriviste ? De même, en affirmant que ces défauts ont été présents en la Rochefoucauld dès son enfance, le Cardinal trahit sa mauvaise foi, dans la mesure où il ne peut l'avoir alors connu ; il faut alors référence à l'opinion publique, et y cherche encore une fois caution : en effet, les exploits de jeunesse du Duc sont connus de tous, tant ils ont défrayé la chronique. [...]
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