Ce poème est un calligramme d'Apollinaire, écrit sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Le sous-titre du recueil Calligrammes est d'ailleurs « Poèmes de la paix et de la guerre ». Ami des peintres cubistes tels que Picasso ou Braque, Apollinaire essaie de créer ici une écriture nouvelle en jouant avec l'espace de la page. Comment le poète parvient-il à reprendre des thèmes traditionnels en les modernisant, pour aller au-delà des genres ? (...)
[...] Le choix du calligramme pour transmettre ce message est plus fort qu'un simple poème car le calligramme est un poème-objet : l'aspect visuel a également un sens. Cependant, le rythme et les jeux sur les sons restent majeurs. Grâce au calligramme, Apollinaire parvient à concilier la modernité de son écriture et la tradition d'un thème élégiaque ; il transmet ses angoisses en les illustrant de manière plus forte. Et cette colombe, bien que poignardée, s'envole tout de même vers le haut de la page comme un ultime espoir : peut-être emportera-t-elle le poème loin du champ de bataille, vers un endroit de paix. [...]
[...] Apollinaire évoque des noms d'amis, et non plus simplement des prénoms : il s'agit d'une relation plus masculine, d'une sensibilité différente et d'un degré d'intimité différent. On y retrouve des peintres (Braque, Derain), des poètes (Max Jacob) et d'autres moins connus aujourd'hui du grand public. Ces amis sont partis en guerre La nostalgie est donc omniprésente, ancrant le poème dans l'élégie par excellence. D'ailleurs, les vers contenus dans le jet d'eau comportent huit syllabes et les octosyllabes sont les vers traditionnels de l'élégie. [...]
[...] Ils sont en nombre pair : six prénoms organisés en trois vers si bien qu'aucun prénom ne ressort plus qu'un autre si ce n'est Marie, mise en valeur par le et toi On retrouve des échos sonores entre ces prénoms dans la mesure où toutes les figures féminines sont reliées par l'allitération en et l'assonance en Finir l'évocation des femmes sur Marie est un choix du poète car Marie peut aussi faire référence à la Vierge Marie : dès lors, l'énumération prend une tournure pure et chaste, de femmes aimées et aimantes, mais désormais intouchables et adorées pour ce l'amour qu'elles représentent. Cette image de la pureté (Vierge Marie) s'accorde d'ailleurs très bien avec la paix et la douceur de la colombe, qui peut aussi symboliser l'Esprit Saint dans la Bible. [...]
[...] Ainsi, le premier dessin de la colombe poignardée évoque les amours perdues tandis que le second parle des amis dispersés dans le monde. Dans les deux cas il s'agit de personnes que l'on ne reverra peut-être plus jamais. Ce poème est donc un poème de souffrance, comme le laisse transparaître l'évocation du poignard dans le titre. II La composition de la page A Un axe de symétrie Le poème est de toute évidence composé autour d'un axe de symétrie. L'axe est dessiné par les signes pouvant figurer le manche du poignard tuant la colombe, le point d'interrogation ? [...]
[...] L'autre partie est constituée du jet d'eau. Ce dessin lie les contraires car il suggère à la fois un mouvement montant vertical jaillissent vers le firmament mais aussi une chute le soir tombe Bien sûr, la forme ovale à la base du dessin suggère le bassin du jet d'eau, mais elle peut aussi suggérer une bouche, qui ferait alors écho aux Chères lèvres du début ; enfin, cette forme ovale avec un grand O au centre peut faire penser à un œil ouvert avec sa pupille au centre qui verse des larmes. [...]
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