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a) La marche du temps inexorable : le narrateur indique que le "rythme silencieux" du temps "scande la vie", dès le début du chapitre ; cette image souligne un contraste, une scansion étant sonore, ce qui prouve son caractère insidieux, sournois. La métaphore animiste qui suit, celle du coureur, marque sa rapidité, de même que la métaphore du "fleuve", cette métaphore filée récurrente dans tout le roman. Le passage de l'imparfait au présent de vérité générale confirme cette impression : on ne voit pas "passer" le temps. Un important champ lexical du temps et des saisons traduit manifestement ce mouvement, cette inconstance permanente et cette fuite. D'abord par le constat qui est fait dans la proposition initiale de la troisième phrase, renforcée par une énumération : "Tout s'enfuit, les hommes, les nuages, les saisons..." Mais dans chacun de ces cinq paragraphes, on constate cette évolution : "un instant",
"de jour en jour", "des mois et des mois", "l'hiver fini", "la belle saison venue", "un beau jour", "au printemps", "quelques mois plus tard", toutes ces expressions indiquent la marche inexorable du temps. Le narrateur souligne aussi sa rapidité ("rapide"), et lorsqu'il évoque la lenteur, c'est pour indiquer qu'il s'agit d'un leurre ; ainsi "l'interminable hiver" devient aussitôt, dans la phrase suivante un "hiver fini".
b) La conscience de son pouvoir destructeur : le temps est donc pour Drogo le véritable ennemi, celui de tous les hommes, de "tout" le vivant. Le premier paragraphe supprime la narration pour faire cette constatation. Le pronom personnel indéfini "on" a valeur de généralisation. L'opposition entre le temps et l'homme est soulignée symboliquement par l'attitude du héros, comme la "vie uniforme du fort" s'oppose à ce mouvement perpétuel (...)
[...] Un important champ lexical du temps et des saisons traduit manifestement ce mouvement, cette inconstance permanente et cette fuite. D'abord par le constat qui est fait dans la proposition initiale de la troisième phrase, renforcée par une énumération : Tout s'enfuit, les hommes, les nuages, les saisons . Mais dans chacun de ces cinq paragraphes, on constate cette évolution : un instant de jour en jour des mois et des mois l'hiver fini la belle saison venue un beau jour au printemps quelques mois plus tard toutes ces expressions indiquent la marche inexorable du temps. [...]
[...] Commentaire : Introduction : Dino Buzzati (1906-1972) est un journaliste, un peintre et un écrivain italien auteur de romans, de nouvelles, de chroniques et de pièces de théâtre. Très marqué par la montée des idéologies, cet auteur engagé, proche des existentialistes, s'interroge aussi sur l'absurdité de la condition humaine. C'est du reste Albert Camus qui l'a fait connaître en France en adaptant une de ses pièces, Un Cas intéressant, jouée à Paris en 1956. Le Désert des Tartares, publié en 1940, est son roman le plus connu. [...]
[...] Dino Buzzati (1906-1972), Le Désert des Tartares (1940), chapitre XXIV. XXIV Cependant, le temps passait, toujours plus rapide; son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s'arrêter même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'œil en arrière. Arrête! Arrête! voudrait-on crier, mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages; et il est inutile de s'agripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entraîné dans ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais. [...]
[...] Le mot espoir revient deux fois dans le passage, mais cet espoir est secret (deux fois également). Il y a sans doute un certain orgueil dans son désir d'alimenter seul cet espoir, et cette métaphore semble indiquer combien le pouvoir d'autosuggestion du héros est important, même face au temps, même face à l'adversité de ses camarades du taciturne lieutenant Siméoni et de ses supérieurs L'emploi du conditionnel confirme cette impression, l'attente est celle d'un futur très hypothétique, du reste le mot hypothèse est utilisé dans le dernier paragraphe. [...]
[...] il ne parvient pas à se détacher de cet espoir secret Il semble déjà perdu, puisqu'il est incapable de jeter un coup d'œil en arrière Le troisième paragraphe peut être assimilé à un blâme, le blâme de son obstination, en particulier grâce à la métaphore péjorative et ironique : une sorte d'acompte Les deux derniers paragraphes sont également très ironiques. Drogo est toujours en projection, même après cinq ans d'attente. Pourtant il s'agit bien pour lui d'une attitude nihiliste qui semble le conduire vers la mort, l'emploi du verbe arrêter quatre fois dans le premier paragraphe, des mots fini échéance la dimension symbolique de l'adjectif surannées tout ce lexique ne laisse aucun doute : l'attente est attente de la mort. [...]
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