Le but d'une dernière page de roman est-il uniquement de donner un dénouement à l'histoire ?

Résumé du document

En 1969, André Breton écrivait dans Je n'ai jamais appris à écrire ou Les Incipit : « Si pour moi, le début d'écrire est un mystère, plus grand est le mystère de finir, ce silence qui suit l'écriture. » Il ne faisait qu'exprimer là les deux réflexions fréquentes de tout romancier quant à la façon de débuter et de finir un ouvrage. Le défi est de taille car la fin du roman est souvent la partie que le lecteur retient et qui peut éclairer rétrospectivement tout le récit.

À lire les textes du corpus, on peut s'interroger : quels sont les buts d'une dernière page de roman ? D'une façon similaire à ce qui se passe sur une scène de théâtre, le roman déploie les mirages d'une intrigue et anime les personnages de fiction, la dernière page apportant le plus souvent un dénouement à l'histoire. Mais elle peut aussi avoir d'autres fonctions que de dénouer l'histoire, comme celle de mesurer l'évolution d'un personnage ou encore de relancer une histoire ou un roman à venir. Cependant, quel que soit son but, la dernière page d'un roman donne son sens au roman en délivrant un message (...)

Extraits

[...] Le but d'une dernière page de roman est-il uniquement de donner un dénouement à l'histoire ? Vous répondrez dans un développement organisé, en vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles. En 1969, André Breton écrivait dans Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipit : Si pour moi, le début d'écrire est un mystère, plus grand est le mystère de finir, ce silence qui suit l'écriture. Il ne faisait qu'exprimer là les deux réflexions fréquentes de tout romancier quant à la façon de débuter et de finir un ouvrage. [...]

[...] Cependant, la dernière page de roman n'est pas forcément le dénouement d'une histoire. Elle peut avoir d'autres fonctions. Parfois, il n'y a pas de véritable intrigue et la dernière page n'est que le bilan d'une trajectoire : le personnage fait une sorte de rétrospective et médite sur ce qu'il a vécu, comme L'Éducation sentimentale de Flaubert l'illustre si bien. Parfois aussi, elle peut mesurer l'évolution d'un personnage. La fin prend alors un sens par rapport au début : elle permet de mesurer l'évolution sociale, mais aussi psychologique, d'un personnage. [...]

[...] On se doit d'aborder le cas particulier des romans qui ne comportent pas d'intrigue. Certains tendent vers une fin, mais qui n'est pas vraiment une fin d'intrigue, dont la parfaite illustration est donnée par À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, avec Le Temps retrouvé. D'autres romans commencent par la fin et ne sont qu'un immense flash-back avec la même citation que précédemment où la dernière page s'écrit quand le narrateur a rejoint le début. Enfin, les romans qui ne comportent pas d'intrigue ni de dénouement ne sont pas vraiment des romans. [...]

[...] Cette dernière page peut également permettre de relancer une histoire, ouvrant des perspectives. Il ne s'agit alors pas de la dernière page mais des dernières lignes comme dans Le Père Goriot où elle sert le commentaire d'une nouvelle vie, un nouveau combat (raconté dans d'autres romans de La Comédie humaine : À nous deux maintenant ! Rastignac). Parfois, elle annonce un roman à venir, en lui servant de première page. Cela débouche alors parfois sur des séries telles Les Rougon Macquart de Zola ou La Comédie humaine de Balzac. [...]

[...] Mais avant tout, la dernière page d'un roman lui donne son sens et délivre un message. Un roman n'est pas composé que d'une histoire. Il comporte des idées qui permettent la délivrance d'un message qui, elle, est indépendante de l'existence ou non d'une intrigue. L'intention peut ainsi être morale. Il peut s'agir d'une critique sociale telle qu'elle paraît dans Bel-Ami lors du mariage final de Georges Duroy avec l'hypocrisie bourgeoise et l'omniprésence de l'argent. Mais également d'une critique politique comme dans Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai Sijie, roman de ce début de XXIe siècle qui sert une critique des pratiques de la révolution culturelle chinoise. [...]