Pascal disait que le moi est une « chose haïssable » face à de nombreux « déballages » quotidiens, on peut affirmer que cette opinion n'est plus de mise... Avec différents moyens de communication, radio, télévision, papier, se sont ajoutés les récits de vie, journaux intimes, confessions et règlements de compte, sans oublier le « home page » du site personnel, tout ceci nous inonde de confidences. Chacun se raconte, s'analyse, s'exhibe et jure de dire la vérité. Les lecteurs se cherchent, se trouvent et se perdent dans ces morceaux de vie. Paul Valéry, lui, dit : « Qui se confesse ment et fuit le véritable vrai, lequel est nul ou informe, et, en général, indistinct. Mais la confidence toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse, à la propagande ».
[...] Il me semble inutile d'ajouter qu'aucun des faits n'y est inventé écrit-il. Dans l'appendice qui suit l'édition de poche, Primo Lévi précise : ( ) je pensais que mes paroles seraient d'autant plus crédibles qu'elles apparaitraient plus objectives et dépassionnées ; c'est dans ces conditions seulement qu'un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c'est vous Il se contente de rapporter les faits à la manière d'un historien ; pour lui les mots parlent d'eux-mêmes et n'ont besoin d'aucun artifice. [...]
[...] Et si le mensonge nous importait peu Quels plaisirs peut-on trouver dans une œuvre qui relève du biographique ? Certains lecteurs sont assidus du genre biographique ; Philippe Lejeune, fasciné par l'autobiographie, recense et analyse les récits. Sans être spécialiste, on peut préférer ce genre à tout autre. Le témoignage vécu et la vie réelle d'un homme apportent une indentification aux lecteurs. Ils y voient un miroir dans lequel ils se cherchent : qu'ils y découvrent ce qu'ils ignoraient d'eux, l'image qu'ils refusaient d'affronter ou simplement le reflet de leurs sentiments, c'est toujours eux qui apprennent de l'autre. [...]
[...] Le recours à l'ironie et à la dérision dans les textes de Georges Perec, W ou le souvenir de l'enfance, et Varan Chamalov, Récits de Kolyma, manifeste une confiance dans la possibilité offerte à l'homme de dépasser son destin de victime. Magadane reçut ses invités ( ) ce n'étaient pas des invités qu'amenait le bateau, mais les véritables maîtres ( ) écrit Chamalov. Les textes privilégient tantôt la restitution réaliste : les arguments sont fondés sur l'expérience ; tantôt la transposition sous forme de parallèles ou de grandes métaphores : les arguments sont par analogie. Les textes exprimant le travail de mémoire ne sont les seuls à ne pas comporter de mensonges. [...]
[...] Comme l'a rêvé Rousseau, peut-on rendre son âme transparente à soi-même et aux yeux du lecteur ? Ou même peut-on tout dire ? Le temps déforme le souvenir ; la résonnance émotionnelle donnée au moment de l'écriture à tel ou tel évènement n'est pas la même qu'au moment où l'autobiographe l'a vécu. Notons par exemple le sentiment de culpabilité décrit par Rousseau, son désir inconscient de se venger de régler ses comptes avec les adultes. L'expérience racontée n'est donc pas la même que celle vécue. [...]
[...] Rousseau ressent le besoin de se justifier dans ses analyses. Il rejette la faute sur les adultes en particulier. Il apparaît donc vaniteux et orgueilleux mais c'est surtout une souffrance personnelle qui se cache derrière ceci. Les autobiographes sont donc nombreux à mentir, pour différentes raisons, mais l'on trouve également des écrits qui ne comportent pas de mensonges. Les écrits sans mensonge sont régulièrement des faits historiques, un travail de mémoire. Par exemple, les écrivains qui évoquent leur expérience des camps doivent rendre compte d'un univers radicalement autre : il s'agit de refaire surgir devant un public qui risque de n'en comprendre ni le sens, ni la portée. [...]
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