Après avoir montré que la sincérité est au coeur de l'autobiographie et que l'auteur cherche à être le plus franc possible, nous verrons que certaines limites, externes mais également internes, s'opposent à une véracité totale avant de montrer que l'essentiel réside sans doute davantage dans la recherche de l'honnêteté que dans sa pratique.
[...] Lorsque Rousseau, qui revendique une sincérité absolue par ailleurs, avoue certains de ses penchants, échappe-t-il totalement au désir inconscient de se justifier ? Lorsqu il se charge, se montre comme un démon lors de sa confrontation avec Marion, après le vol du ruban, ne désire-t-il pas, en fait, en s'accusant, provoquer pitié ou générosité chez son destinataire ? Qu'il s'agisse de Dieu ou des hommes, celui-ci pourra-t-il alors éviter de chercher des circonstances atténuantes au jeune valet, tenté et victime d'un mouvement involontaire ? [...]
[...] En effet, quelle que soit la fonction attribuée à l'autobiographie, elle met en place un pacte de lecture qui inclut la franchise totale pour que le lecteur accepte de suspendre son incrédulité. Rousseau est sans doute celui qui l'affirme avec le plus de force dans le corpus. Sans authenticité, l'autobiographie disparaît au profit de la fiction, du roman. Impossible, donc, d'envisager cette entreprise sans partir du réel, de faits avérés. La chronologie, si abondamment précisée dans la plupart des ouvertures autobiographiques, apporte ainsi la caution de la réalité à l'écrit. [...]
[...] Un autobiographe est donc à la fois sincère et, dans une certaine mesure, menteur. Il est, en effet, toujours sincère puisqu'il présente des faits, des sentiments tels qu'ils les voient, les croient au moment ou il les raconte. Mais cette authenticité est la sienne, elle s'inscrit également dans son itinéraire personnel. Son œuvre est donc le miroir de ce qu'il croit ou veut être, de ce qu'il cherche souvent à paraître. C'est dans cette mesure seulement qu'il peut être entièrement sincère. [...]
[...] Chateaubriand cherche à se rendre compte de lui-même à lui-même Il semble donc bien difficile à un autobiographe de ne pas tenter de jouer sur son image. Il est parfois nécessaire de l'expliciter (Sartre justifie sa vacation d'écrivain dans Les Mots), de l'insérer dans un contexte socio-historique ou familial qui en éclaire les principaux aspects, comme le fait A.Ernaux dans La Place, de révéler certains aspects de sa personnalité pour mieux en justifier les points connus, comme Rousseau dans les Rêveries du promeneur solitaire Quoiqu'il en soit la sincérité est alors moins affaire d'exactitude des faits ou des sentiments rapportés, que d'authenticité de la volonté de les présenter. [...]
[...] Enfin, un texte qui reconnaît être inexact ou hésitant constitue une autofiction, proche du réel mais construit une personnalité différente ou partielle du personnage (Perec construit ainsi W ou le souvenir d'enfance). Lorsqu'il entreprend une véritable autobiographie, un écrivain se doit de tenter d'être le plus sincère possible. Pourtant, certaines limites existent. ΙΙ) Mais dont la franchise est nécessairement limitée. Montaigne reconnaît que son statut social, sa situation personnelle, les mœurs et les convictions de son temps ne lui permettent pas de se peindre tout nu la censure lui parait nécessaire et inévitable. [...]
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