L'écrivain Bernard-Marie Koltès (1948-1989), principalement dramaturge mais aussi romancier, est devenu un classique du répertoire contemporain. Aujourd'hui, presque quinze ans après sa mort, son oeuvre s'est imposée comme l'une des plus décisives rencontrées en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Toujours montée, que ce soit en France ou en Allemagne, son oeuvre continue de toucher un public de plus en plus large.
Dès son adolescence, Koltès éprouve un violent désir de partir à la découverte du monde: c'est un être révolté, mal à l'aise dans son environnement, mal à l'aise dans cette société dont il se sent lui-même étranger. Attiré par les contrées inconnues, cette curiosité le mènera alors aux Etats-Unis, en Afrique, en URSS, sans cesse à la recherche de nouvelles civilisations. Nous retrouverons cette quête de l'étranger, cette confrontation à tout ce qui lui est l'inconnu dans ses textes - textes qui traduisent parfaitement son appétit d'évasion, de fuite, sa guerre permanente contre l'enfermement.
Maria Casarès, l'actrice principale de Médée (la première pièce que Koltès voit au théâtre) qui lui inspire ses premiers rôles, qui le fait écrire et qui jouera Cécile dans Quai Ouest dira de Koltès, qu'il était « un nomade qui passait, qui regardait avec bienveillance et avec une luminosité exceptionnelle ». Elle dit avoir trouvé dans l'écriture de Koltès un vrai style, une rigueur - rigueur qui est celle de la grande veine française et qui lui fit accepter le rôle de Cécile dans Quai Ouest. Elle fut charmée par ses pièces offrant ce mélange subtil de passion et de maîtrise, notant que leur enrichissement provenait beaucoup « de ses errances et de ses voyages ». Pour elle, Koltès est « un baladeur, un errant qui regarde dans les confins des villes, dans les confins du monde, les endroits les plus éloignés, les plus perdus » . Nous verrons ainsi que les voyages qui ponctuent la vie de Koltès seront la source de la majeur partie de son oeuvre.
[...] Deux ans plus tard, il part voyager au Canada puis aux Etats-Unis : Je trouve que c'est essentiel de voyager à la fin de ses études. On apprend des choses qui servent toute la vie. [ . 18 ans j'ai explosé. Ca a été très vite Strasbourg, très vite Paris, et très vite New- York en 68. Et là, tout d'un coup, ma vie m'a sauté à la gueule. Il n'a donc pas eu d'étapes, je n'ai pas eu le y temps de rêver de Paris, j'ai tout de suite rêvé de New York. [...]
[...] Je connais ton tourment: je risque mon âme . Mais maman, quel bonheur,'n'est-ce pas, si je puis dire à la fin de ma vie, face à Dieu : 'Voyez, j'ai risqué - et j'ai gagné . Cette lettre témoigne bien de la détermination et la conviction du jeune Koltès; débordant déjà d'une énergie qu'il mettra entièrement au service du théâtre. On retrouvera dans ces textes cette force avec laquelle il nous fait part de sa vision de la société et des gens. [...]
[...] Après sa mort seront publiés Sallinger, Prologue et autres textes Roberto Zucco, Tabataba Koltès, une écriture voyageant entre pôles L'écriture de Koltès peut être appréhendée sous des angles différents et on constate ainsi que celle-ci hésite entre le roman et le drame. Quelques pièces en particulier témoignent de cette divergence d'écriture que nous allons à présent étudier: Le théâtre de Koltès est rythmé par des thèmes récurrents qui ressurgissent d'une pièce à l'autre : ainsi, on y traite de l'enfermement (dans la prison, dans le cercle familial, ou même dans le métro suivant les pièces de l'évasion (comme Léone dans Combat de nègre et de chiens), de l'aspiration à la mort, de viol et de la perte de la virginité (notamment dans Roberto Zucco avec le viol de la Gamine ou avec le dépucelage de Claire qui se monnaie dans Quai Ouest), de deal et l'argent (se traduisant par un échange philosophique entre le dealer et le client dans La Solitude des champs de coton) . [...]
[...] Là-bas, deux personnages d'une classe aisée s'affrontent à des immigrés. Cette pièce fut inspirée à Koltès par un hangar désaffecté sur les docks de New York, où il assista à d'étranges trafics. Mal comprise à sa création, la pièce a ensuite été lue comme un texte prémonitoire sur l'exclusion et sur les marges. -Dans la solitude des champs de coton, est une pièce très différente des deux précédentes. Ici, ils ne sont que deux sur scène et n'ont pas d'identité : les termes de dealer et de client indiquent la relation qui les lie. [...]
[...] L'action constitue un dialogue sourd entre les deux personnages. Ici, le langage est une arme, et ces deux là, qui n'ont pas l'air de s'aimer beaucoup, se battent avec les mots ; il faut faire rendre gorge à l'autre, l'amener sur son terrain, refuser le sien, ne jamais admettre qu'on est en demande, en manque, et qu'on est pauvre - pauvre de désirs surtout -Le Retour au désert est une chronique burlesque et à la fois cruelle d'une ville de province (on reconnaîtra Metz, ville natale de B-M Koltès) dans les années soixante. [...]
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