La relation maître/esclave est une dialectique hégélienne développée dans les années 1940-1950 présentant la conscience du maître comme dépendante de la reconnaissance d'autrui : l'esclave. Cette nouvelle relation s'immisce dans le théâtre de Samuel Beckett et notamment dans cet extrait de Fin de partie où Hamm, paralysé, dépend de Clov son valet.
Ces deux personnages sont dès le début de la scène les incarnations d'une condition humaine en perdition. A l'image de ce déclin, le théâtre renouvelle donc les conditions et les statuts des personnages mais aussi bouleverse les conventions littéraires du théâtre classique. Le schéma actanciel s'efface, le dialogue est en dehors de toute action, les voix ne disent rien (...)
[...] Plan: La pauvreté du dialogue et du contexte Un langage rudimentaire La mise en danger de l'interaction verbale: un dialogue sans finalité Un dialogue sans perspective: un effacement de tout contexte II) Une relation étroite mais stérile Un dialogue conflictuel où un maître dominant est face à un valet dominé qui résiste Une fatalité qui rend les actes et paroles stériles Extrait étudié Un temps. Hamm- A part ça, ça va ? Clov- Je ne me plains pas. Hamm- Tu te sens dans ton état normal? Clov ( agacé)- je te dis que je ne me plains pas. Hamm- Moi je me sens un peu drôle! (un temps) Clov. Clov- Oui. Hamm- Tu n'en as pas assez? Clov- Si ! (un temps) De quoi ? Hamm- De ce de cette chose. Clov- Mais depuis toujours (un temps). Toi non ? [...]
[...] De même, nous pouvons relever treize occurrences de un temps une didascalie qui indique une pause, un blanc dans le dialogue. Le silence s'immisce et installe une atmosphère tendue où les mots n'ont pas leur place. Ce silence est si pesant que pour l'abolir, Hamm renouvelle à plusieurs reprises l'interaction verbale. Pardon (un temps. Plus fort.) J'ai dit pardon. Hamm se répète pour obtenir une réponse. Tout au long de cet extrait, les réponses se font attendre. Le principe de questions, réponses est violé. [...]
[...] Lorsque Clov ne les exécute pas, Hamm devient menaçant. En plus du mode impératif, il élève le ton plus fort il se fait violence Il renforce l'ordre donné. Alors bouge! est une séquence où la typographie: le point d'exclamation accentue cette idée. Même lorsqu'il s'excuse, il emploie un ton qui n'et pas approprié ce qui suppose que ses excuses ne sont pas sincères mais plutôt dites d'une manière intéressée. Hamm est un maître manipulateur. Il oriente ses paroles afin de susciter chez Clov un minimum d'apitoiement. [...]
[...] Tout et resserré autour d'eux, Hamm et Clov, ces deux personnages unis à la vie, à la mort. La relation interpersonnelle représentée ici est marquée par une menace. Hamm se comporte comme un maître dominant dont les paroles ont pour seule finalité de réaffirmer sa supériorité et sa suprématie. Certaines paroles ne favorisent pas un acte de langage communicatif mais relève d'un ordre donné. Prépare-moi va chercher le drap sont des requêtes formulées à l'égard de Clov et supposent l'accomplissement de cet ordre et non un échange verbal. [...]
[...] La stichomythie, ce principe, qualifie cet extrait. Aux phrases simples je ne me plains pas s'ajoutent les phrases nominales pardon et monosyllabiques mal comportant donc une seule syllabe. Comme si soudain les personnages n'avaient rien à se dire. Le langage perd de sa teneur. L'expression est limitée et fait d'ailleurs penser à l' écriture blanche d'Albert Camus mais aussi au degré zéro de Roland Barthes. Il y a une absence totale d'adjectifs qualificatifs, d'indices. Lorsque l'auteur apporte une information aux lecteurs, elle est neutre je ne me plains pas ou encore nuancée je me sens un peu drôle comme si l'état, les sentiments des personnages étaient futiles. [...]
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