De quelle manière le poète revendique-t-il le guignon comme un de ses attributs élémentaires, le liant à sa création poétique ? Nous pourrons tout d'abord nous préoccuper de la façon dont est traité ici le thème de la création artistique, et plus particulièrement poétique. Puis, il serait judicieux de voir comment la marque du spleen imprègne ce poème ...
[...] Car la solitude est sans doute un des aspects les plus marquants du spleen baudelairien affichés dans ce sonnet. Cette solitude passe tout d'abord par la complainte poétique du premier quatrain qui se poursuit en fait dans le reste du poème. Le premier quatrain reste très personnel (emploi de l'adjectif possessif v.2, du pronom indéfini v.3 qui désigne le du poète). C'est une prière du poète, adressée à un personnage explicite ("Sisyphe", v.2, est mis en apostrophe) qui fait lui-même figure d'idéal, au moins de "courage" (v.2). [...]
[...] Et dans le sixain, ni l'auteur ni le destinataire de ce qui reste une complainte ne sont évoqués. Cet effacement graduel de la personnalité qui conduit à une totale impersonnalité donne une impression de solitude extrême dans les deux tercets, où tout est éloigné du nombre. En effet, la fin du poème décrit un monde isolé, car sous terre (v.9: "enseveli"). C'est une solitude infernale (v.10: "ténèbres", v.14: "solitudes profondes") qui va, presque de force, obliger le poète à s'y inclure. [...]
[...] Cette idée d'un travail ingrat est ici renforcée par le spleen baudelairien qui est, en fin de compte, à l'origine de cette revendication du guignon. Car c'est par ce spleen que se développent toutes les idées morbides et languissantes du poète qui le poussent à voir sa condition comme le résultat du guignon. Le guignon n'est donc que le fruit de ce spleen tant déclamé par Baudelaire et que l'on retrouve jusque dans le titre de la section auquel appartient ce poème ; un spleen qui pousse le poète à chercher ailleurs pour trouver le fruit de sa création, Dans les solitudes profondes (v.14) par exemple. [...]
[...] La gloire de la création et du talent qui l'a entraîné d'une part, et la beauté même de cette création. Quant à la gloire, elle est représentée dès la première strophe avec l'apostrophe à Sisyphe Sisyphe qui, d'après la légende, était célèbre pour être extrêmement rusé et pour avoir connu la gloire en trompant les dieux, gloire qu'il paya par son supplice aux enfers. Puis, cette gloire est rappelée par le vers 5 sépultures célèbres en opposition au cimetière isolé du vers 6. C'est une gloire posthume qui vient prolonger celle que le poète requiert de son vivant. [...]
[...] Et dans cette transcendance, c'est la beauté qui transparaît, la Beauté Idéale que le poète convoite et qui l'amène à sa condition. Cette beauté baigne tout le poème, et notamment grâce à l'emploi de termes nobles comme le cœur (répété deux fois, v.3 et v.7), le joyau la fleur (v.12), ainsi que par des termes très doux, comme dort (v.9 : rythme régulier en avec une l'accent sur ce verbe pour renforcer la douceur de cette action), épanche (v.12 : le son nasal a pour effet d'adoucir le mot lui-même, ce qui correspond à son action) et doux (v.13). [...]
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