[...] "La cloche fêlée" fait partie de la première des six sections, intitulée Spleen et Idéal, qui constitue une sorte de forme d'exposition au recueil Les Fleurs du Mal : c'est le constat du monde réel tel que le perçoit le poète. Ce poème s'inscrit parfaitement dans le romantisme et constitue une bonne évocation du « spleen baudelairien ». Sonnet irrégulier, il exprime de façon tragique la malédiction du poète. Derrière la double allégorie de l'hiver, saison du spleen et de la souffrance, et de la cloche, symbole explicite de l'âme, c'est une confession sur l'impuissance créatrice qui se cache. La structure du poème en atteste puisque la succession des thèmes des quatrains et tercets fait apparaître une gradation tragique : vie (1er quatrain), dégradation (2e quatrain), agonie (1er tercet), mort (2e tercet).
I- Un décor en adéquation avec les sentiments
a- La rêverie
À l'instar de "Chant d'Automne" (poème LVI de la même section), ce poème commence par adopter un ton général avant d'y opposer une focalisation intime : "Il est amer et doux et les nuits d'hiver" (vers 1). L'hiver, renforcé par le pluriel les nuits, est ainsi suggéré comme la saison du spleen, du froid et de la souffrance dont il faut se protéger.
Dans le premier quatrain, cette protection est apportée par une image au sens double de « foyer » : le feu (vers 2) mais aussi la maison, tous deux protégeant de l'hiver. D'ailleurs, Baudelaire fait ici référence à l'apparent bien-être de la chaleur. Il convient de noter que l'abri de la maison est une des figures majeures de la poésie baudelairienne : c'est l'intériorité, le moi du poète qui s'oppose au monde hostile (...)
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, La cloche fêlée (LXXIV). ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] D'ailleurs, Baudelaire fait ici référence à l'apparent bien-être de la chaleur. Il convient de noter que l'abri de la maison est une des figures majeures de la poésie baudelairienne : c'est l'intériorité, le moi du poète qui s'oppose au monde hostile. Celui-ci peut ainsi écouter les souvenirs (vers près du feu (vers 2). Le lecteur est d'autant plus séduit qu'il peut entendre les craquements et les sifflements, soulignés par une véritable harmonie imitative rendue par l'allitération en et : D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume (vers 2). [...]
[...] Le vocabulaire de la guerre (râle, blessé, vers 12 ; sang, morts, vers 13 ; meurt, efforts, vers 14) quantifie alors la douleur. L'expression hyperbolique lac de sang (vers 13) traduit la violence du spleen et l'image finale (qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts), elle aussi hyperbolique, est atroce, donnant l'impression d'un étouffement. Le lecteur y perçoit l'accablement extrême du poète. Enfin, le blessé qu'on oublie (vers 12) est l'image inverse de l'élévation spirituelle de la cloche, alors au zénith alors que le poète est au nadir, abandonné par le ciel. [...]
[...] La discipline et la force La cloche va ensuite être comparée à un soldat (vers 8). Cette image indique clairement que dans la guerre contre le spleen, son chant si haut et si puissant trouve avant tout son origine dans sa discipline : déjà traduite par fidèlement, sa vieillesse (vers le motif du soldat l'accentue. Ainsi, le maintien dans la vigueur et hors de l'usure du temps (malgré sa vieillesse) sont la conséquence de sa discipline, du soldat comme de la cloche. [...]
[...] Le modèle de la cloche est donc progressivement amené, modèle que le poète peut vouloir imiter pour affronter le spleen, donc l'hiver. Cette image conjugue deux caractéristiques : L'élévation Le deuxième quatrain l'associe immédiatement au champ lexical de la spiritualité : Bienheureuse (vers fidèlement et religieux (vers 7). Suggérant le son de la prière, et donc la spiritualité, son gosier vigoureux (vers traduit l'élévation de l'âme. Modèle de chant, elle fournit alors au poète le modèle afin d'atteindre l'idéal de la création, l'art étant l'autre façon d'échapper au spleen. [...]
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