Commentaire composé sur le passage de la mort du soldat tiré du roman Clarté d'Henri Barbusse.
[...] Jamais il ne la présente comme sa femme bien qu'elle le soit. Il l'évoque dans un cadre familial où elle appartient autant aux autres qu'à lui. Pourtant la relation qui unit ces deux êtres est très forte. Ils ressentent ensemble les mêmes choses : Elle a un frisson que j'ai Il semble même qu'ils se regardent dans la nuit : Cette nuit-ci c'est la sienne aussi bien que la mienne / Qui est vraiment Marie ? Le personnage s'interroge lui-même à son sujet après avoir évoqué la scène où Marie va fermer les volets dès que la lumière s'allume. [...]
[...] Marie est là, et d'autres femmes, en train d'apprêter le dîner ; la maison devient une odeur de cuisine. J'entends Marie qui parle, debout, puis assise à table. J'entends le bruit du couvert qu'elle remue sur la nappe en s'installant. Ensuite, comme quelqu'un a approché l'allumette de la lampe, en soulevant le verre, Marie se lève pour aller fermer les volets. Elle ouvre la fenêtre. Elle se penche, ses bras s'écartent ; mais elle reste un instant plongée dans la nuit nue. Elle a un frisson que j'ai. Au loin, naissante dans l'ombre, elle regarde comme moi. [...]
[...] Mais à la fin du même paragraphe ces connotations spatio-temporelles sont abolies. Le personnage avertit que la distance n'est rien C'est donc l'incertitude : sommes-nous dans la nuit du passé où Marie s'attarde à fermer les volets, ou dans la nuit actuelle qui voit agoniser Simon Paulin ? Sommes-nous ici ou ailleurs ? Où suis-je ? Où est Marie ? s'interroge le personnage lui-même. Lorsqu'il affirme c'est la même nuit puisque naissante dans l'ombre elle regarde comme moi le lecteur n'en sait pas plus : passé et présent restent confondus, ainsi que le ici et le ailleurs. [...]
[...] Henri BARBUSSE, Clarté (roman) Marie : l'épouse du narrateur Etude La mort La mort perçue comme un sommeil La mort est ressentie par le personnage Simon Paulin comme un sommeil qui s'abat sur lui et contre lequel il ne peut rien. Remarquons qu'il est grièvement blessé, mais qu'il ne localise pas du tout sa blessure : J'ignore la blessure de ma chair Il sent seulement que c'est grave : Je m'affaiblis, je m'adoucis, je ferme les yeux Ce lent engourdissement est comparable à celui qui précède le sommeil : Je suis comme ceux qui s'endorment, comme les enfants Cette expérience du sommeil qui vient inéluctablement, malgré toutes les raisons qu'on a de rester éveillé, le narrateur le fait remonter à l'enfance où le sommeil est plus lourd. [...]
[...] Les brancardiers qui pensent à moi évoquent Marie qui pense (ou qui ne pense pas) à moi. La blessure de la chair révèle la blesse du cœur. La logique interne du rêve repose aussi sur des associations de mots. De nombreuses répétitions ponctuent le texte : Je rêve à la maison J'entends C'est vrai ; Je ne sais pas Ainsi le récit acquiert-il une vraisemblance accrue par le caractère dramatique de la fin : Simon Paulin perd peu à peu conscience. [...]
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