Balzac se situe au confluent de deux courants littéraires majeurs : héritier du Romantisme, il va participer aux premiers pas du Réalisme. Dans son oeuvre colossale, La Comédie Humaine, on ressent constamment cette confrontation entre deux perceptions du monde, l'une basée sur les sensations et l'autre s'appuyant sur l'observation (...)
[...] Balzac pratique donc une écriture poétique dans son réalisme même. Il s'agit de capter toute la poésie de la réalité pour la recueillir dans une œuvre d'art. Déjà dans Le Chef-d'œuvre inconnu, il avait souligné ce je- ne-sais-quoi qui rend une œuvre semblable au réel et la réalité poétique. Mais Poussin plus que Frenhofer, il semble que Balzac ait transmis à ses personnages un désir profond, une quête d'équilibre, entre deux eaux entre le trop et le trop peu d'amour, d'argent, d'ambition, de pouvoir . [...]
[...] L'écrivain est attentif à chacun d'eux et, comme on l'a dit, leur donne une dimension sublime. Il semble se sacrifier pour son œuvre, tel le père Goriot : oui, je le vois, pour elles, l'habitude de m'ouvrir les entrailles a ôté du prix à tout ce que je faisais Cette image du pélican représente un auteur qui se tue pour faire vivre son univers. Ainsi, on décèle chez Balzac une tentative de percer le voile qui sépare le monde réel du monde imaginaire. [...]
[...] L'auteur ouvre la porte d'un nouveau monde et propose au lecteur de l'explorer. Toute création est étymologiquement poésie (Poiesis). Et l'humanité, née de l'imagination créatrice de Balzac, porte la marque de son auteur, et se caractérise par l'intensité des sentiments vécus et décrits, par l'importance de la volonté, de l'énergie. Chacun des individus de la Comédie Humaine est imprégné de l'auteur, à travers cette recherche de l'absolu, cette ambition démesurée d'accéder à une autre réalité. Un poète est un monde enfermé dans un homme selon Hugo. [...]
[...] L'auteur se fait donc révélateur d'une vérité cachée. Mais cette révélation se fait nécessairement au travers d'une destruction. En effet, Balzac s'efforce de faire tomber tous les masques, afin de révéler la vérité des individus. Car ce grand réalisme, qui aggrave au lieu de résoudre (Yves Bonnefoy), opère nécessairement une mise à nu des esprits, de la société. Vautrin se voit forcé de dépos[er] le masque bénin sous lequel se cachait sa vraie nature Mais plus encore, Balzac impose à ses personnages l'anéantissement de leurs illusions. [...]
[...] Ce mystère sous-tend le roman, il est une clé qui permet au lecteur de pénétrer de manière poétique dans l'univers balzacien. Générateur de suspense, de tension, de profondeur des personnages, il permet également de mieux rendre compte de la réalité, en plaçant les lecteurs au même niveau de connaissance que les autres personnages. Ainsi, chez Vautrin, tout était si bien clos qu'il semblait avoir la profondeur immobile d'un sphinx qui sait, voit tout, et ne dit rien Les individus acquièrent donc une dimension sublime. [...]
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