Ce passage se situe à la fin de la première partie, "Le talisman", lors de la fête donnée par le banquier Taillefer, dans son hôtel particulier. Raphaël et son ami Emile sont présents, tandis que la fête prend un tour particulier avec l'arrivée des courtisanes. L'affluence, le luxe, l'alcool, le rapprochement des hommes et des femmes donne lieu à une scène de débauche que décrit ici le narrateur au moment où la réalité va céder la place à une indistinction onirique, et où l'hésitation entre rêve et cauchemar devient déterminante (...)
[...] L'atmosphère était chaude de vin, de plaisirs et de paroles. La chaleur répète l'allusion aux flammes, tandis qu'un rythme ternaire, renforcé par les sonorités des deux derniers noms, donne à cette phrase brève l'allure d'un résumé complet, qui simplifie aux composantes essentielles d'une scène réelle, alors que la suite met l'accent sur la dimension irréelle. L'ivresse, l'amour, le délire, l'oubli du monde étaient dans les cœurs, sur les visages, écrits sur les tapis, exprimés par le désordre, et jetaient sur tous les regards de légers voiles qui faisaient voir dans l'air des vapeurs enivrantes. [...]
[...] Devant, une sorte de compartiment clos dans lequel Satan invoquerait les pires démons de l'Enfer afin de préparer l'apocalypse. Tout autour de cet endroit, des rives de lave et des démons inférieurs sont censés garder l'entrée de cet endroit central à l'abri de quelconque problème abyssal. Il paraîtrait aussi qu'au plus profond du Palais de Satan réside la clé d'un coffre enfoui sur Terre, et dont le mécanisme ne s'ouvrirait qu'avec l'autre clé se trouvant en Eden. Ce coffre serait le contenant soit d'une arme puissante, soit de la vie éternelle Le verbe est pris au sens étymologique : remuer, déplacer Raphaël et Emile. [...]
[...] La mise en valeur du verbe indique que Balzac va faire une scène ainsi que la précision de temps (implication supposée du lecteur, présence explicite du narrateur omniscient), une scène à laquelle il prétend donner l'aspect de l'œuvre de Milton : ambition et mythification de sa propre œuvre. La référence donne d'emblée l'association entre paradis et enfer, ce dernier aspect étant particulièrement frappant pour la scène : la débauche de l'orgie sera rendue dans son mouvement de chaos. L'hôtel de Taillefer est donc le siège d'un pouvoir infernal. Les flammes bleues du punch coloraient d'une teinte infernale les visages de ceux qui pouvaient boire encore. [...]
[...] Phrase d'analyse, avec le possessif nos plus général. Il s'agit donc d'une scène : la description permet de donner une progression et une interprétation à la fête : mêlant plaisir et danger, elle perd en réalité et n'est plus vue qu'à travers le filtre du rêve. Le narrateur produit un grand travail sur les images, le rythme et les sonorités. La référence à Milton induit un travail poétique sur les images et les sons, et la construction d'une atmosphère hyper visuelle et cauchemardesque, où l'indétermination ramène à une atmosphère fantastique. [...]
[...] La réalité s'est effacée devant la scène picturale et la scène rêvée. Balzac entretient l'ambiguïté entre rêve et cauchemar et les deux subordonnées relatives finales, de même longueur et de même construction, en montrent une caractéristique : le silence qui va de pair avec la saturation du visuel dans la perception onirique léger aspect fantastique. La dualité entre plaisir de la fête et le danger latent se retrouve dans les groupes nominaux : ciel étouffant ardente suavité agilité / chaînes jeux / cauchemar La subordonnée consécutive met l'accent sur la puissance du spectacle : il ravit les deux personnages au sens étymologique, les arrache à la réalité. [...]
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