Publié en 1990 (puis réédité en 1993), l'autre Europe s'attache à analyser la véritable nature de ce que l'on désignait à l'époque, et encore souvent maintenant, comme l'Europe de l'Est. Rejetant ce terme, qu'il n'utilise d'ailleurs presque jamais dans ce livre, l'auteur, J. Rupnik cherche à revenir sur les racines historiques et culturelles de cette autre Europe, « l'Europe centrale », pour montrer la spécificité et la richesse de cette région, et notamment sa différence fondamentale avec le modèle soviétique. Ce faisant, il se livre à la fois à une analyse des caractéristiques de la région et à une recherche sur la nature et les différentes modalités nationales du régime communiste en Europe de l'Est. Essentiellement de recherche historique, cet ouvrage est remarquable à la fois par la finesse de la réflexion et les qualités d'érudition de son auteur et par le thème traité, qui rompt avec les recherches réalisées généralement sur le sujet. En montrant la spécificité de cette région, l'auteur amène à s'interroger profondément à la fois sur la nature de l'Europe et sur les enjeux de la transition de ces pays. Il émet la thèse selon laquelle la soviétisation de ces Etats a été un échec, notamment parce qu'elle ne correspondait absolument pas à la culture de ces peuples, et il replace le débat dans un contexte historique plus large : la situation de l'Europe centrale, entre l'Allemagne et la Russie. Enfin, il apporte une première analyse de la chute et de la nature du communisme en Europe Centrale.
[...] Malgré tout, il en conclut à son existence sans pouvoir ni la délimiter clairement ni la définir explicitement. Il est étonnant que son analyse ne se concentre pas plus sur le rôle qu'a pu jouer l'Empire austro-hongrois dans la formation de cette identité culturelle d'E.C., mais aussi comment cet Empire lui même s'est trouvé contesté de l'intérieur. Peut être pourrait on lui reprocher d'avoir une vision par trop engagée voire idéaliste en la matière. Il est révélateur qu'il rechigne à utiliser le terme d'Europe de l'Est auquel il préfère celui d'Europe du centre-est. [...]
[...] Chapitre 2 : Images de la Russie La relation avec le voisin russe est assez passionnelle car teintée de craintes (invasions) mais parfois aussi considéré comme un modèle ou un garant de la sécurité. On distingue traditionnellement deux groupes de pays avant 1940 : d'un côté la Pologne et la Hongrie qui seraient plutôt anti- russes, de l'autre, la Tchécoslovaquie et la Bulgarie, plutôt pro-russes. Ainsi, les Hongrois considéreraient la Russie comme une culture primitive, [avec] des méthodes de gouvernement arbitraires [ . [...]
[...] RUPNIK montre que la carte de l'Europe n'aurait sans doute pas été très différente sinon (entérine une situation de fait). L'auteur distingue et analyse les trois étapes de prise de contrôle de l'URSS et des PC sur les PECO : la mise en place de coalitions authentiques, qui se transforment progressivement en pseudo-coalitions avant d'en arriver à l'instauration d'authentiques régimes communistes monolithiques tactique du salami Cette stratégie a été mise en place dans tous les PECO grâce au vide de pouvoir laissé par la Guerre ainsi qu'à la présence militaire soviétique. [...]
[...] Katyn, le rôle de l'aveu dans les procès . ) etc. Par là même, il se livre à une condamnation en règle de ses méthodes. Sa thèse principale est que la chute de ce bloc s'explique avant tout par des facteurs endogènes et que le système politico-social communiste a montré ses limites en même temps que son idéologie disparaissait comme norme de légitimité. Cette thèse, très convaincante, a largement été reprise par la suite. On peut malgré tout s'interroger sur la part qui peut être attribuée au régime lui même et aux difficultés propres de ces Etats avant même leur soviétisation et après la Guerre dans la chute et l'échec de ce modèle (l'Europe de l'Est était en retard sur l'Occident et n'a pas bénéficié d'un plan Marshall). [...]
[...] Ouvrage d'historien, L'autre Europe est aussi un ouvrage engagé, notamment dans sa conclusion sur la transition des PECO vers la démocratie et les recommandations qu'il fait. On peut se demander dans quelle mesure, la voie choisie d'élargissement de l'Union Européenne (et des autres institutions) n'est pas une façon d'accepter ce retour des PECO dans l'Histoire, en limitant les risques d'un nouveau Drang nach Osten de l'Allemagne (qui joue un rôle particulièrement décisif en termes financiers notamment, avec la zone mark, dans la reconstruction de ces pays). L'équilibre reste toutefois fragile. [...]
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