Si les écritures du moi sont supposées véridiques par le pacte autobiographique, elles sont pourtant souvent faussées par l'inspiration. Mais l'exactitude n'est peut-être pas le critère essentiel des autobiographies, qui dépassent la véracité des faits pour devenir oeuvre d'art (...)
[...] La sincérité de l'écrivain prime parfois sur l'exactitude des faits. Dans ses Mémoires d'outre- tombe, Chateaubriand se souvient des veillées familiales pesantes à Combourg et de l'austérité de son père. Sa sœur a ensuite déclaré que ses impressions étaient exagérées et qu'il jugeait trop sévèrement leur père. Ce décalage prouve que les faits eux-mêmes sont moins importants que le regard que chacun porte sur eux : Chateaubriand raconte les évènements tel qu'il les a vécu, et c'est de cette manière qu'il désire nous toucher. [...]
[...] Et pourtant, lors d'un entretien avec le Magazine littéraire de septembre 1995, Hector Biancotti déclare que Toutes les autobiographies d'écrivains sont fausses ( car quand on écrit des romans, ce sont les mots qui ont pris le dessus ( Les autobiographies d'écrivains sont-elles donc fiables ? Un écrivain ne privilégie-t-il pas la forme en dépit de l'exactitude ? Est-il possible d'atteindre la vérité quand on écrit ? Mais la transparence est-elle vraiment importante lorsqu'il s'agit d'œuvre d'art ? Si les écritures du moi sont supposées véridiques par le pacte autobiographique, elles sont pourtant souvent faussées par l'inspiration. Mais l'exactitude n'est peut-être pas le critère essentiel des autobiographies, qui dépassent la véracité des faits pour devenir œuvre d'art. [...]
[...] Au lecteur de décider ce qui, dans Lunar Park, a bien eu lieu En littérature, même autobiographique, l'imagination et la réalité se mêlent jusqu'à ne faire plus qu'une et créer ensemble un univers. Comme l'a si bien dit Proust : La vraie vie enfin découverte, c'est la littérature Le genre autobiographique suppose donc la sincérité de l'auteur, celui-ci promettant au lecteur d'écrire la vérité. Mais Biancotti avait raison d'affirmer que les récits de vie d'écrivains étaient souvent faussés car l'inspiration contraint l'artiste à dépasser la réalité. [...]
[...] Si les autobiographies d'écrivains ne sont pas exemptes d'inexactitudes, c'est aussi parce que leurs auteurs sont souvent menés par leur inspiration. Dans son journal, Le Mausolée des amants, Hervé Guibert écrivait : Le plus beau dans la perspective du livre à venir, c'est ce qui est inconnu Aragon, dans Le Mentir-Vrai, affirmait que le mensonge était incontrôlable : Je crois me souvenir, je m'invente Les deux écrivains s'accordent et avouent que même lorsqu'ils rédigent à propos de leur existence, les mots les devancent et l'invention prend le dessus. [...]
[...] Oui, et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'attendons d'un artiste la même chose que d'un journaliste ou d'un historien. L'artiste pose un regard unique sur le monde et nous permet ensuite d'observer ce dernier sous un autre angle. Ainsi Picasso, en peignant Guernica, n'a pas effectué un portrait réaliste de la guerre d'Espagne, mais en a dénoncé les horreurs avec force et talent. [...]
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