Ecrivain suédois. Il n'était certainement pas facile, en cette Suède bourgeoise, luthérienne, fermée et conventionnelle du milieu du 19ème siècle, d'être un génie irréductible aux normes banales. Il aura passé sa vie à se justifier de toutes les façons ; son salut, en un sens, aura résidé dans l'écriture qui lui permit de communiquer ce « feu » qu'il se vantait de posséder.
Dès le début, il aura manifesté son inacceptation fondamentale de la condition humaine, notamment du milieu petit-bourgeois dont il sortait et que représentaient son petit négociant de père et sa mère en qui il tint à voir une servante d'auberge. Ce désaccord profond explique que la grande affaire de sa jeunesse fut le drame Mäster Olof (maitre Olof, trois versions, 1872, 1874, 1876), comme lui révolté et apôtre intransigeant de la vocation. D'emblée, le théâtre lui servit de lieu privilégié de projection de son univers intérieur, de tribune où exposer son inacceptation foncière de la vie et de moyen commode de crier une insurrection généralisée contre toutes les valeurs établies. Il cherchera alors la solution dans la conquête de la Femme (il se mariera trois fois, divorçant dans chacun des cas) qu'il chargeait de tous ses rêves et qui, bien entendu, s'en trouvait fort empêché. De là, sa veine misogyne (Herr Bengts Hustru [l'épouse de Sire Bengt], 1882) et ses satires impitoyables de la Stockholm de l'époque (dans Röda Rummet [le cabinet rouge], 1879, que suivront Det Nya Riket [le nouveau royaume], 1882 et Svenska öden och äfventyr [Aventures et destinées suédoises], 1882). Les ennemis que cela lui vaudra l'obligeront à fuir, en France, Suisse, Allemagne où il vit d'expédients tout en souffrant de manie de la persécution et d'instabilité. Mais en France, il découvre le naturalisme de Zola qui le conforte dans sa détermination de dénoncer les tares congénitales du monde moderne, avec de belles éclaircies poétiques comme dans ses Poèmes (1883) où il pose les fondements du modernisme poétique en Suède. Mais les nouvelles de Giftas (Mariés en 1884 et 1886 lui vaudront un procès célèbre) se conjugue à son autobiographie justificative : Dans la chambre rouge, 3 vol., 1886-1909, le premier éloquemment intitulé « Le fils de la servante », la série engendrera aussi au passage « Le plaidoyer d'un fou » écrit en français en 1892 ; il y entasse pêle-mêle accusation et invectives et aussi rêves et utopies. A moins qu'il stigmatise implacablement le destin d'un parvenu dans le roman « Gens de Hemsö » publié en 1887. Décidément, il comprend que le théâtre est sa véritable voie et compose toute une série de chefs-d'œuvre, dits, à tort, naturalistes : « Camarades », « créanciers » en 1889 et surtout « Le père » en 1887 et « Mademoiselle Julie » en 1888, œuvre phare de cette époque.
[...] C'est pour cela qu'August Strindberg, auteur naturaliste, longtemps inspiré par Émile Zola, a choisi comme personnages principaux par exemple dans son œuvre s'intitulant Mlle Julie deux valets qui sont au service d'une jeune comtesse, se nommant Julie, et de son père. Strindberg qualifie la pièce Mlle Julie de naturaliste, mais c'est un naturaliste halluciné dont il s'agit. Il se projette tout entier dans son théâtre comme dans un refuge d'où il peut se venger impunément d'une vie qui l'écorche vif. Il nous donne l'illusion de la réalité, mais il s'accorde la liberté du rêve. [...]
[...] Et de se laisser séduire, de se mettre à nu devant l'autre. En conclusion, Mlle Julie démontre que la vie est une lutte des cerveaux où la plus forte qui est la Femme, commet impunément un meurtre psychique en éliminant l'homme. Comment une œuvre littéraire peut-elle renseigner le travail d'un historien ? August Strindberg a toujours eu un désir forcené d'être absolument vrai. Il aura été à l'origine d'à peu près tous les courants du modernisme européen du 20e siècle. [...]
[...] Une œuvre comme Mademoiselle Julie a donc des atouts historiques, mais aussi des limites. Pour conclure sur les liens qui existent entre l'historien et l'écrivain, Henri Irénée Manou nous emmène vers un autre débat avec cette citation : Il ne fait pas de doute qu'un historien est nécessairement un bon écrivain. [...]
[...] Cela est dû au fait qu'August Strindberg a connu de nombreuses histoires d'amour se résumant en un échec. En effet, il a été marié à trois, mais son caractère névrosé et hypersensible a conduit chacune de ses unions au divorce. Ses relations avec les femmes étaient orageuses, et ses mots et ses actes ont souvent été vus comme misogynes autant par ses contemporains que par les lecteurs d'aujourd'hui. Cependant, beaucoup reconnaissent qu'il avait une rare connaissance de l'hypocrisie des attentes de sa société à l'égard des sexes, du comportement sexuel et de la moralité. [...]
[...] Décidément, il comprend que le théâtre est sa véritable voie et compose toute une série de chefs- d'œuvre, dits, à tort, naturalistes : Camarades créanciers en 1889 et surtout Le père en 1887 et Mademoiselle Julie en 1888, œuvre phare de cette époque. Désormais, son activité se répartit entre pièces en un acte destinées à individualiser les fantômes du moi comme Le lien en 1892 ou Amour maternel en 1893, et des essais mi-scientifiques, mi-illuminés comme Antibarbarus en 1894 qui reviennent à dire que nous sommes sur terre pour expier des péchés inconnus, mais qu'un jour les doubles séparés seront réunis : en attendant, il faut faire pénitence ! [...]
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