En Attendant Godot a été écrit entre octobre 1948 et janvier 1949, mais ne sera joué qu'en 1953. Des difficultés s'accumulent pour trouver une salle, des comédiens, un budget, mais une fois montée, le succès est immédiat. Au fur et à mesure, Beckett participe de plus en plus à la mise en scène de ses pièces et rêve d'un théâtre sans acteur où seul le texte apparaîtrait dépouillé de toutes afféteries du jeu des comédiens qui compliquent inutilement le sens. Le succès n'a pas rendu Beckett plus soucieux des goûts du public, tout au contraire son art se fait de plus en plus elliptique, l'immobilité gagne tous ses personnages. Il obtient le prix Nobel en 1969 et meurt en 1989...
[...] Au terme d'une conversation, les personnages peuvent être renvoyés à leur solitude et donc à l'inutilité de leur tentative. On entend parfois des conversations croisées où les personnages parlent sans que personne ne réponde : avec Pozzo cette situation est fréquente car Pozzo n'écoute pas ce qui lui est dit ou demandé, et n'écoute que lui-même. Le dernier stade de cette incommunicabilité est atteint quand l'interlocuteur s'exprime par le biais d'un intermédiaire : parfois Estragon s'adresse à Pozzo par le truchement de Vladimir et Pozzo se fait l'interprète de Lucky. [...]
[...] Et Pozzo ne cachait pas non plus son admiration passée pour Lucky. Le lien symbolique le plus fort que peut représenter la corde est ce passé commun qui se constitue avec le temps et qui réunit deux êtres. Maîtres et esclaves : Quelle raison logique peut servir d'explication à des relations aussi complexes, quelle perversion peut être à la source de cette mutuelle dépendance faite plus souvent de souffrance et de cruauté que d'amour ou d'affection ? Se peut-il que l'amour et l'amitié ne soient pas faits que de don et de générosité ? [...]
[...] En Attendant Godot n'est pas une pièce sur l'amitié et ce serait forcer le texte que de l'affirmer. Les personnages sont trop soumis aux aléas du temps et du besoin pour devenir des modèles d'amitié, ce qui au fond sous-tend notre interrogation. L'amitié, comme l'amour, est un état de grâce, un luxe dont nos personnages ne peuvent prévaloir : ils sont trop vieux, trop pauvres, habitent un monde trop méchant. Si Vladimir et Estragon restent ensembles, c'est par nécessité plus que par choix, cet attachement leur pèse tout autant qu'il leur est indispensable. [...]
[...] On apprend seulement qu'il bat le frère du Garçon, on ne saura pas la raison de ce traitement, mais l'image qui apparaît ici est plutôt celle d'un Dieu autoritaire. Ce qui est confirmé par les craintes de Vladimir : Estragon. Et si on le laissait tomber ? (Un temps) Si on le laissait tomber ? Vladimir. Il nous punirait. (p.132) D'amour il n'en est guère question : à Vladimir qui lui demande si Godot l'aime, le garçon répond qu'il n'en sait rien : Vladimir . Et pourquoi il ne te bat pas, toi ? [...]
[...] Et vous monsieur ? Vladimir. Ce n'est pas folichon. (p.52) Ce qui pèse à Estragon est qu'il ne se passe rien, qu'aucun événement ne vienne le distraire, qu'aucun accident ne vienne bouleverser et changer sa vie. Pour autant cet ennui ne provoque pas en lui de véritable sursaut, de tentative pour en sortir. Cet ennui né de l'attente est un des rares sentiments qui les réunit, plus sûrement que la joie qu'ils connaissent si peu et dont ils se méfient beaucoup, soit parce qu'elle fait mal (Vladimir ne peut rire sans souffrir), soit parce qu'elle ne donne pas ce qu'elle promet. [...]
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