Commentaire composé du sonnet de Jean-Baptiste Chassignet : Assieds-toi sur le bord d'une ondante rivière. Oeuvre volumineuse, dont l'auteur souligne qu'elle fut composée en six mois, le Mépris de la vie s'inscrit, en ces dernières années du XVIe siècle, dans un courant poétique sensible aux images de la mort, de l'agonie et du pourrissement de la chair : les Derniers Vers de Ronsard illustrent cette sensibilité, sans doute alimentée par l'horreur quotidienne des guerres civiles. L'obsédant memento mori du recueil se situe au croisement d'un néostoïcisme sénéquien et d'une puissante inspiration biblique : pourvu d'une solide culture humaniste et scripturaire, Chassignet multiplie les allusions à Sénèque autant qu'à l'Ecclésiaste ou aux Psaumes. Source principale du Mépris de la vie, la Bible n'empêche pas cependant l'influence des contemporains : Philippe du Plessis-Mornay, écrivain et homme politique protestant, avait publié en 1576 un Excellent Discours de la vie et de la mort, qui inspire plusieurs sonnets de Chassignet ; mais surtout, l'auteur emprunte largement aux deux premiers livres des Essais : la Préface du Mépris de la vie, à cet égard, n'est pas seulement imitée de Montaigne, elle assemble habilement une série de citations du chapitre « Que philosopher, c'est apprendre à mourir ».
[...] De fait, le tu sous-entendu dans la forme assieds-toi ne peut être que le lecteur. Rien ne permet en effet, surtout que cet impératif est situé au début du poème, d'affirmer la présence d'une autre position énonciatrice que le poète et le lecteur. Cet appel au lecteur, et l'inclusion de celui-ci dans le sonnet, prélude à la réflexion sur l'homme qui va se dérouler par la suite ; le lecteur est appelé à juger de l'évidence du propos du poète. [...]
[...] II) Une réflexion philosophique La démonstration par l'exemplification : structure du texte Les deux parties : le sonnet se découpe traditionnellement en deux parties, entre le vers 8 et le vers autrement dit entre les deux quatrains et les deux tercets autour de ce que l'on appelle la volte Chassignet hérite de cette forme du sonnet de la Pléiade et notamment de Du Bellay qui a rédigé le premier recueil de sonnets de la poésie française (L'Olive), travaillant la poésie de Pétrarque. Chassignet reste résolument dans la lignée des poètes de la Pléiade. [...]
[...] Seule la mort pourra le délivrer d'une telle angoisse métaphysique. Conclusion : Mais la poésie reste tout de même un moyen de fixer, de manière certes fugace et ténue, un fragment d'éternité sur la page blanche. Le sonnet est la forme par excellence qui permet cette apparition d'un infini, par le maximum de contraintes qu'il met en œuvre. Chassignet préfigure en cela une longue continuité poétique qui va trouver son apogée avec les romantiques et les symbolistes, qui verront également dans la poésie une voie de fixer des vertiges pour reprendre l'expression de Rimbaud. [...]
[...] Il s'agira de voir de quelle façon Chassignet traite ce thème, et quelle perspective il lui ouvre dans la poésie française. Nous étudierons dans une première partie ce topos baroque de l'eau qui coule ; puis, dans une seconde partie, la réflexion philosophique à l'œuvre dans ce sonnet ; enfin, dans une troisième partie, comment la poésie se révèle être pour Chassignet un moyen de combattre ce changement permanent. I ) Le topos baroque de l'eau qui coule Champ lexical de l'eau et saturation du texte Relevé des occurrences et classement selon leur signification : on dénombre de multiples termes renvoyant au champs lexical de l'eau : rivière fluer cours flots humide onde eau Certains termes font référence à un cours d'eau ; d'autres caractérisent la forme ou l'état de l'eau ; enfin, certains sont plus vagues et renvoyant à l'eau dans le contexte pourrait très bien renvoyer à autre chose dans un contexte différent la structure binaire du texte : flots sur flots : on étudiera ici tout ce qui a trait à la structure binaire du texte, c'est-à-dire des ensembles fonctionnant par deux. [...]
[...] Au niveau sémantique également, par des oppositions naguère / toujours ) Cette structure binaire se calque sur le flux et le reflux de l'eau de la mer ; la structure est ici une structure de marée le délire baroque : cette saturation du texte par l'isotopie de l'eau, qui déborde même sur sa structure est typiquement baroque. En effet, l'on trouve des éléments renvoyant à l'eau dans chaque vers : nous sommes ici en présence d'un phénomène d'outrance baroque, où tout est porté à l'excès. [...]
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