Mallarmé et les arts : le livre objet et les artistes

Résumé du document

L'esthétique mallarméenne tend à la réalisation d'un art total symbolisé par des créations poétiques au sein de matériaux élaborés tels les quatrains dans Les Loisirs de la poste ou les Eventails, à la fois supports et écrins des textes. D'autre part, un certain nombre d'artistes du dernier quart du XIXème siècle, extérieurs au champ de la littérature (Manet, Gauguin, Debussy, Wagner), instaurent avec l'auteur de L'Après-midi d'un faune un dialogue fécond (ou un rapport d'opposition en ce qui concerne Wagner) aboutissant à la production d'oeuvres d'art en peinture, sculpture et musique, entretenant des rapports étroits avec l'apport théorique de Mallarmé. De plus, les questionnements ontologiques de ce dernier et leurs applications possibles au domaine de l'esthétique perdurent dans des projets au XXème siècle chez des artistes tels Nijinski en danse ou Pierre Boulez en musique (...)

Extraits

[...] Il les appréhende en effet comme les conservatoires d'un esprit collectif (esprit collectif trouvant son territoire dans la nation et en l'occurrence dans la nation allemande). En réaction au culte idolâtre qu'entraine ce rapport aux mythes (les représentations wagnérienne ne relèvent pas moins que les liturgies religieuses d'un rapport cultuel non pas à Dieu mais au héros allemand) Mallarmé propose une interprétation "philologique" de ces derniers. Dans le prolongement des travaux comparatistes des mythologues Cox et Müller, il saisit les mythes non pas dans une perspective transcendante mais tout au contraire sous un prisme de pure immanence. [...]

[...] Un coup de dés Dernier poème de Mallarmé, Un coup de dés, exemplifie et synthétise par son architecture l'entreprise artistique que ce dernier n'a cessé d'élaborer et d'expérimenter sur plus de trois décennies. Le poème se présente dans sa forme par un enchevêtrement syntaxique éclaté qui le structure de part en part. Comme pour une composition symphonique, un thème principal (c'est-à-dire JAMAIS UN COUP DE DES N'ABOLIRA LE HASARD), mis en exergue par une typographie distinctive court dans le poème et est entrecoupé par de nombreux thèmes secondaires (énoncé par Mallarmé comme "un semis de fioriture"). [...]

[...] Cette tension se retrouvera chez les artistes qui opteront pour cette œuvre comme socle à leurs réflexions. L'après-midi d'un faune : œuvre interrogeant la Modernité artistique Manet n'est pas l'unique artiste qui va s'appuyer sur L'Après-midi d'un faune pour entreprendre des réalisations artistiques. En effet, cette œuvre engage, bien au delà de la littérature, des perspectives esthétiques et ontologiques susceptibles de trouver des résonances chez des artistes aux modes d'expressions multiples. Debussy, dans son Prélude à L'Après-midi d'un faune se chargera d'exploiter le concept de déconstruction en interne de la forme sonate, qui conservera malgré les transformations opérées, son architecture externe. [...]

[...] Ce dernier se fait également partition où une musique toute mentale peut naître chez un sujet engagé dans un processus actif de lecture. Enfin l'organisation de la page par une typographie absolument singulière transforme celle-ci en une sorte de décor chargé d'accueillir ce "concert" poétique. MALLARME ET LE DIALOGUE AVEC LES ARTISTES L'Après-midi d'un faune L'après-midi d'un faune, poème écrit par Mallarmé et illustré par Manet lors de son impression de 1876, peut-être considéré, de par cette illustre collaboration, comme le premier livre d'artiste (genre qui connaîtra une abondante postérité au XXème siècle). [...]

[...] Ils ne disent rien d'autres qu'eux-mêmes et leur beauté essentielle. La légèreté du néant qui suit la mort de Dieu est toute entière présente dans l'essence de ces quatrains en forme d'adresse. Les éventails Tout comme les quatrains postaux, Les Eventails chez Mallarmé participent pleinement du concept de livre objet et donc, par extension, engagent encore une fois les vues esthétique et métaphysique de ce dernier. La dichotomie traditionnelle "forme" (ici l'éventail) et "fond" (le poème) disparaît complètement au profit d'une entité totalisante nouvelle. [...]