Les vers 641 à 662 sont annoncés par l'adverbe "parce" (v.639) qui réapparaît dans le "Parcite" initial, et l'allusion aux ébats, dans lesquels se découvrent les corps et peut-être leurs défauts, ceux de la femme en tout cas... Les jeunes hommes, dont la question des tares physiques ne se pose pas, ne sont plus seulement invités au silence discret et courtois du début du passage, mais finalement à transformer ces défauts en qualités par le langage, le moins sincère qui soit par conséquent. Même si l'on retrouve ici des caractéristiques de l'ars déjà évoquées, il semble qu'Ovide aille de plus en plus loin dans la parodie de l'ars et dans sa réflexion sur la création poétique, laquelle dépasse largement la question de la sincérité amoureuse (...)
[...] L'humour, la parodie, toute la dimension ludique de l'Ars amatoria apparaît clairement dans cet extrait. Mais au-delà, il n'y a pas seulement la raillerie des intentions didactiques des artes ; encore une fois, c'est à une réflexion poétique qu'engage le poète. En incitant l'homme à qualifier la femme mieux qu'elle n'est en réalité, Ovide n'invite pas seulement l'amant à une insincérité stratégique, il renvoie à l'activité poétique qui recrée la réalité, ce qu'il est lui- même en train de réaliser dans son poème, et il célèbre la toute- puissance du langage. [...]
[...] On peut en relever au moins trois, dont la concision n'excède jamais le pentamètre : multa vetustas lenit v.7- incipiens omnia sentit amor v.8, et quodque fuit vitium, desinit esse mora v.14. On pourrait ajouter un autre verbe au présent : Eximit au vers 13 ; ce sont des présents de vérité générale qui expriment la sagesse du poète d'expérience, le vates peritus auquel Ovide s'assimile. La concision offre un atout mnémotechnique non négligeable dans un ars, et a un caractère péremptoire qui compte tout autant. [...]
[...] Conclusion Dans cet extrait, Ovide propose une entreprise paradoxale (faire l'éloge de ce qu'on devrait blâmer), qui invite à une double lecture : la part parodique, ironique, y apparaît clairement, tant dans la dénonciation de la mécanique des artes, que dans les allusions à diverses pensées philosophiques. La réflexion sur le langage et la poésie semble décidément l'emporter sur le but premier de l'Ars amatoria : en prenant le contrepied des évidences, en risquant le paradoxe, Ovide invite à lire son œuvre comme une pratique même de la poésie et une réflexion sur les virtualités du langage. C'est encore une occasion de mettre en œuvre ses qualités de poète. [...]
[...] L'entreprise paradoxale (louer ce qui ne le mérite pas) conduit à une écriture et une lecture parodique. II. La généralisation de l'esprit parodique Parodie de l'ars et variatio - La composition du passage révèle une grande rigueur dans les deux premiers tiers, fortement marqués par le rythme binaire : 2 fois le schéma réflexion de 2 vers + exemple de 4 vers / 3 à 6 ; 7-8 / 9 à 12) ; la 3ème fois l'exemple est réduit à 2 vers. [...]
[...] L'objectif est donc moins de convaincre, que de jouer avec la manière mécanique du traité, et de s'en jouer. - Par ailleurs, le dernier tiers du passage fait exploser cette rigueur, à partir du moment où le poète déclare : Nominibus mollire licet mala v.17. La précipitation, l'accumulation, les tournures elliptiques accélèrent le rythme, tandis que la progression humoristique, qui faisait déjà passer d'Andromède à la puanteur des cuirs, atteint son paroxysme avec la suite d'énormités que le poète recommande de dire, et notamment dans les antithèses habilem / brevis et turgida/plenam La progression carrée, démonstrative de l'ars, déjà contestée dans le traitement des exemples et leur caractère hétéroclite, aboutit à une libération de l'humour dans les derniers vers. [...]
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