Le poème paraît en revue en 1912, année de la rupture avec le peintre Marie Laurencin : c'est le dernier écrit chronologiquement, mais placé en tête du recueil, et à la dernière minute : il a donc une grande importance et une valeur programmatique.
Cela signifie aussi que le poète a voulu marquer son goût pour la modernité plutôt que son rattachement à la tradition lyrique élégiaque : « La Chanson du Mal-Aimé » était en première position, et « Le Pont Mirabeau », rajouté en 1912 aussi, assure un pont entre ces deux longs poèmes (...)
[...] On note aussi un sentiment de malaise, avec la honte et le désir de se confesser, sentiment souligné par l'allitération en - métaphore et personnification des fenêtres-yeux, qui accentue la fragilité du poète, sa petitesse. Ces deux vers ont une forte cohérence, avec l'image brève et le sentiment qui l'explique en partie, et l'enjambement. - ces vers annoncent une prochaine strophe où le poète se revoit enfant, et pratiquait le catholicisme. Pour l'heure, l'adulte constate surtout l'écart qui le sépare de cette enfance, et sa solitude avec la répétition trois fois de la 2ème personne. Le sentiment religieux reste donc permanent. [...]
[...] - la strophe a lié deux aspects apparemment contradictoires, mais qui résument bien la condition de l'homme moderne : une oscillation entre le sacré de la religion et l'immersion dans le quotidien très réel et prosaïque ; une préférence pour le concret et l'actuel qui n'annule pas une tension vers l'intemporel ressenti au fond de soi. La strophe marque cette progression, plutôt qu'une contradiction au premier abord J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom Neuve et propre du soleil elle était le clairon - début de la strophe suivante, plus longue : dizain. Notation du souvenir avec le passé composé, et l' oubli du nom de la rue. Reprise de ce matin pour la 4ème fois : c'est une manière de rythmer le poème. [...]
[...] Apollinaire est athée, mais il fut enfant catholique pratiquant. L'idée est développée ensuite. Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation - l'enjambement reste sensible, même sans ponctuation par ailleurs ; avec la reprise de restée et le 3ème adjectif accentué, l'idée est renforcée. On trouve le passé composé pour la durée et le résultat présent. - comparaison très étonnante : le mot hangars le nom propre, le tout rapporté au sacré de la religion. C'est la simplicité de certaines constructions industrielles qui séduit le poète ; la simplicité est liée à l'évidence et à la pérennité, comme le dogme religieux. [...]
[...] - plusieurs mises en valeur : l'adjectif en tête, l'apostrophe au Christianisme avec majuscule, le superlatif, et l'insistance c'est vous Ce nom propre en fin de vers crée la surprise ; ces deux vers sont liés par les sonorités : + dentales + Double affirmation : tu n'es pas antique = le plus moderne c'est vous - Pie X (1903-1914) s'opposa à la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905) et au modernisme de certains courants chrétiens français (1907). L'insistance sur l'Europe peut s'expliquer par le caractère européen du modernisme, avec les théories de Marinetti (Italie) et de Maïakovski (Russie) pour le futurisme. Apollinaire est devenu libre penseur en 1912. - la 2ème personne ici renvoie au Christianisme, personnifié dans l'apostrophe, comme la tour Eiffel du v.2, puis au Pape, incarnation de l'intemporel. [...]
[...] Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes - 1re strophe, un tercet, après trois vers isolés. Les strophes qui suivent seront progressivement plus longues, comme si le poète allait vers un développement de ses pensées. Ce tercet frappe par le vocabulaire inattendu (les automobiles et la longueur du mot) et le rapprochement du mot avec la religion et les hangars, puis la comparaison elle-même de la religion avec les hangars. Ensemble hétéroclite, qui mime le surgissement dans la pensée. [...]
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