Le poème « Nuit Rhénane » ouvre le cycle rhénan qui est articulé autour du souvenir de son amour malheureux pour Annie Playden. Celle-ci s'éloigne de lui alors qu'il séjourne un an en Allemagne (1901/1902) sur les bords du Rhin.
Manifestement, ce poème présente d'emblée des caractéristiques plutôt traditionnelles sur le plan thématique : il s'agit d'abord d'un art lyrique qui mêle à l'évocation de la femme aimée une atmosphère pénétrée d'irréalité. Mais l'originalité d'Apollinaire se révèle dans la façon avec laquelle il s'empare de thématiques romantiques (la nuit, la rêverie, la mythologie du Rhin comme chez Hugo) pour en faire une célébration personnelle de son propre pouvoir poétique (...)
[...] La Femme idéalisée : la féerie amoureuse _ L'invocation exaltée. Apollinaire secoue les effets du souvenir douloureux, tente d'évoquer les moments heureux par les impératifs chantez mettez Cette seconde strophe montre un Apollinaire volontaire qui se donne des ordres, se motive Que je n'entende plus ) pour repousser la souffrance et conjurer le mal : il espère que d'autres chants vont dominer ceux des sept femmes maléfiques plus haut et fait un appel guerrier debout _ Des femmes féériques. Le poète donne une description très exactement antithétique des femmes de la première strophe : des nattes repliées (à la place des cheveux longs jusqu'à leurs pieds ; des filles blondes contre des femmes aux cheveux verts ; un regard immobile qui évoque la paix plutôt que les mouvements violents des femmes aux cheveux qui se tordent. [...]
[...] Pour mieux couvrir le chant de ses douleurs. [...]
[...] Le poète est ivre de son langage alchimique qui sublime le réel. Conclusion : Ce texte brille par sa faculté de transformer une thématique classique, un motif poétique souvent exploité (l'amour malheureux exprimé par le recours aux mythes) en petit manifeste précis qui dit tout l'amour de Apollinaire pour son art. Il s'agit aussi d'un poème qui apporte quelques données décisives à l'égard du poète et de son choix de donner à son recueil le titre Alcools Manifestement, l'alcool est cette ivresse de la création, cette soif d'un langage qui sait sublimer le réel. [...]
[...] Apollinaire se montre à la hauteur de son pseudo car le dieu Apollon était souvent représenté avec une lyre. Le texte comporte tout un champ lexical du chant très présent et même insistant : la chanson au vers 2 ; chantez vers 5 ; chant du batelier vers 6 ; la voix chante vers 11 ; incantent vers 12 or ce verbe est étymologiquement de la même famille que chanter L'ouïe est sollicitée à toutes les strophes Ecoutez ; que je n'entende plus ; râle- mourir jusqu'au dernier vers qui se termine avec le son du verre qui s'est brisé comme un éclat de rire Cette atmosphère musicale n'est pas simplement un habillage symbolique : elle désigne le champ de la création poétique car un poème est une composition musicale. [...]
[...] Un romantisme renouvelé et recréé _ Un jeu entre réel et irréel complexe. Si la fuite hors du réel avec l'appui sur les mythes se retrouve couramment chez les romantiques, elle atteint avec Apollinaire une complexité inédite. En effet, le poète parvient à créer le trouble par sa façon de mêler la réalité (le souvenir intimiste de son amour malheureux) et la rêverie (l'échappée imaginaire vers les fées, les femmes maléfiques, les chants du batelier). Il fait le choix du récit dans le récit Ecoutez la chanson . [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture