Au début du XXème siècle, alors même que le symbolisme avait pris de nouvelles formes avec l'hermétisme mallarméen, alors même que l'Europe est en pleine effervescence culturelle avant l'arrivée du dadaïsme fondé par Tzara dont s'inspireront les surréalistes dans les années 1920, Apollinaire est à la charnière des deux siècles : sa poésie est d'ailleurs en tension entre tradition et modernisme.
Ainsi "Zone", poème liminaire de Alcool publié en 1913, s'ouvre sur cet alexandrin régulier ; "A la fin tu es las // de ce monde ancien". La diérèse forcée sur "ancien" montre bien la distance ironique que prend le poète avec la métrique classique. Le poème "Nuit rhénane" qui ouvre le cycle rhénan, incarne lui aussi cette dualité entre tradition et modernité. Non seulement en raison de la forme poétique choisie, mais aussi pour l'ambiguïté des intentions du poète. On peut tout à la fois interpréter ce poème comme une élégie sentimentale dédiée à Annie Pleyden, amour perdu du poète (aspect traditionnel) et comme un désir inavoué plutôt que de s'enliser dans le passé.
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- Le poème est composé circulairement, le poème "fermé", on observe un phénomène d'ouverture avec "Mon verre" au vers 1 et de fermeture au vers 13. Ces deux termes se font donc écho.
- Et en même temps un poème ouvert : au début le verre est plein, à la fin il se brise.
- Une forme classique : - trois quatrains en alexandrins avec césure à hémistiche.
- alternance de rimes féminines et masculines.
- rimes croisées, particulièrement ancrées dans la tradition.
- Une pointe d'excentricité - cet alexandrin final isolé.
- mot singulier rimant avec un mot pluriel (vers 1 et 3 flamme/femmes).
- absence d'un quatrième quatrain.
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[...] En effet dans la poésie, et plus largement la littérature, les objets sont de plus en plus personnifiés. Ambiguïté sonore : le poète crée un jeu homophonique entre verre et vers ainsi une double lecture est permise : ne parle-t-il pas ici de sa poésie ? Bien que son verre ne soit en rien brisé, et il y ait une différence de nombres de syllabes entre les interprétations. Peut être le poète veut il rompre avec la poésie traditionnelle, briser la tradition poétique. [...]
[...] On y sent l'angoisse du poète devant la mort. Le dernier vers mon verre s'est brisé comme un éclat de rire évoque-il la brisure du verre ou du vers ? Il symbolise l'irruption de la poésie dans la réalité banale qu'elle fait voler en éclat. [...]
[...] Le poème Nuit Rhénane qui ouvre le cycle rhénan, incarne lui aussi cette dualité entre tradition et modernité. Non seulement en raison de la forme poétique choisie, mais aussi pour l'ambiguïté des intentions du poète. On peut tout à la fois interpréter ce poème comme une élégie sentimentale dédiée à Annie Pleyden, amour perdu du poète (aspect traditionnel) et comme un désir inavoué plutôt que de s'enliser dans le passé. [LECTURE] La notion de désir est étrange comme le montre son étymologie : en latin desiderium = le désir du passé, le regret, la frustration liée au passé qui s'oppose à cupido = le désir de nouveauté, tendu vers l'avenir. [...]
[...] En effet, le poème s'ouvre sur le pronom possessif mon on remarque également l'emploi du pronom tonique moi au vers 6 qui est de plus mis en valeur par sa place à la césure. Le substantif flamme évoque la passion dans la poésie classique, un sentiment qui s'inscrit dans le lyrisme et cher aux romantiques. En outre, on note l'importance du chant, souligné la dérivation de ce terme chanson chanter chante incante dont un polyptote). Le paysage lunaire (vers est également cher aux romantiques. L'importance accordée aux fées qui habitent le Rhin inscrit également ce poème dans le mouvement romantique. [...]
[...] une réalité concrète après un monde onirique menaçant. La réalité est alors séduisante et sécurisante (désir de la domestication nattes repliées Mais hélas dan la troisième strophe, le poète est de nouveau victime d'un chant : la voix du vers 11, qui chante les fées. Au vers 12, l'adjectif verts est mis en valeur, car comme au vers il est à la césure. Cela souligne le caractère merveilleux de ces fées. Conclusion : Apollinaire crée un poème qui ressemble à une élégie sentimentale. [...]
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