Etude des temps du poème : un poème écrit presque exclusivement au présent (un seul verbe au passé, v. 4). Présent d'énonciation et présent de vérité générale. Parfois les deux valeurs sont simultanées : "L'amour s'en va, l'amour s'en va".
L'écoulement du temps : reprise de "heures" et "jours" dans chaque distique, étendus en "semaines" dans le dernier quatrain et, finalement grandis en "temps passé", sans déterminant, comme une entité absolue. C'est la marque chez le poète d'un sentiment élégiaque : le temps fuit inexorablement avec lenteur (v. 15) et irréversibilité (v. 20-21) (...)
[...] Dans ce recueil, Apollinaire supprime toute ponctuation, choix particulièrement heureux dans ce poème de la fluidité. Problématique : Un poème élégiaque qui se situe dans la tradition des poèmes lyriques tout en renouvelant les formes. De quelle manière ? Poème qui s'organise autour d'une triple fuite : de l'eau, du temps, de l'amour. La dérive de la rêverie est structurée, cependant par la disposition en strophes régulières (alternance de quatrains et de distiques). Lecture du texte (attention à la diérèse " violente " et aux enjambements). [...]
[...] Conclusion Apollinaire, avec ce poème, crée une élégie qui renouvelle la tradition lyrique la plus ancienne tout en s'y inscrivant étroitement. Incomparablement plus simple et plus musical que les célèbres poèmes romantiques dont il aurait pu s'inspirer " Le Lac " de Lamartine ou " Tristesse d'Olympie " de Hugo, " Le Pont Mirabeau " est une chanson, chanson du temps, chanson de l'eau, une mélopée douce et triste, dans la mélancolie de laquelle se lit encore le plaisir amoureux et dans laquelle la sensibilité de tous se rencontre. [...]
[...] Le miroir tendu au lecteur est suffisamment flou pour que chacun puisse s'y reconnaître. Donc, pas de décor (il y a seulement un pont sur l'eau), ici, mais une atmosphère. C 'est le poème du flux de la Seine. Apollinaire est l'un des premiers artistes qui aient osé célébrer poétiquement la Seine en plein Paris, contre toute la tradition impressionniste (exemple : Monet : " La Seine à Giverny La suggestion de la fluidité lente. Sa réussite n'est pas moindre que celle des peintres qui l'ont précédé : il a réussi à suggérer cette eau courante par la douceur des sonorités, surtout dans le refrain : emploi presque exclusif des rimes féminines, refus de rimes riches, top claironnantes, qui rompraient la continuité du flux poétique, suppression de la ponctuation, emploi du mètre impair, " vague et . [...]
[...] Cette dissonance, cette rupture fait songer à la complainte d'un orgue de Barbarie. Complainte populaire sur la tristesse des amours perdues, où " amour " entraîne " toujours " mais, ici, le rapport entre les deux termes, s'il existe encore, se fait cruel et un peu plus loin, au vers 10, par un trait d'humour, Apollinaire prend un discret recul par rapport aux illusions d'éternité des liens humains " Des éternels regards l'onde /si lasse " Dans ce poème de la fluidité (prédominance des rimes féminines), temps et amour s'écoulent comme une musique triste, mais ils glissent aussi comme le fleuve. [...]
[...] Mais l'éternel écoulement de l'eau est un élément de continuité aussi et au- dessus des eaux règne un élément de solidité, le pont. Un poème de la permanence. Au fleuve fuyant, le pont oppose sa fixité pesante et le poète, fasciné par les eaux, leur échappe finalement. Par ailleurs, le pont est aussi symbole d'espérance car il est passage d'une rive à une autre. Le pont. C'était un pont métallique qu'Apollinaire traversait constamment pour se rendre d'Auteuil à Montparnasse ou au Quartier Latin. [...]
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