La première moitié du XVIIIe siècle a donné naissance aux Lumières. La seconde, qui s'ouvre symboliquement par la publication de l'Encyclopédie (1751) va consacrer le triomphe des philosophes, plus que jamais conscients de leur mission de guides spirituels de l'humanité. A leur mort, en 1778, Voltaire et Rousseau sont célébrés dans toute l'Europe.
Le règne des idées ne doit pourtant pas dissimuler la diversité de pensée qui marque l'apogée des Lumières : alors que Diderot et ses amis, d'Holbach et Helvétius, évoluent vers un matérialisme athée, Rousseau proclame ses convictions religieuses et s'éloigne ainsi du « compagnonnage » encyclopédiste.
[...] En exprimant le regret d'un âge où l'homme, naturellement bon, était préservé des atteintes corruptrices de la civilisation (voir p. 292), Rousseau ouvre un nouveau débat : celui de la place de l'individu dans une société qu'il juge dénaturée. En faisant l'apologie de la solitude, en condamnant le luxe, les spectacles et tout ce qui lui paraît le signe d'une civilisation décadente, Rousseau s'attire les sarcasmes de ses anciens amis, de Voltaire, de Diderot qui n'aiment guère recevoir des leçons de vertu et qui refusent d'admettre que la vie en société introduise fatalement le vice dans l'esprit humain. [...]
[...] La bataille de l'Encyclopédie est d'abord un combat libérateur du savoir contre l'ignorance. Entreprise monumentale pour rassembler les connaissances théoriques et pratiques du siècle l'œuvre collective dirigée par Diderot et d'Alembert peut être rapprochée des autres sommes par lesquelles les Lumières tentent d'éclairer les différents domaines du savoir : L'Esprit des lois de Montesquieu pour l'histoire et le droit, L'Histoire naturelle de Buffon pour la biologie et la zoologie, l'Émile de Jean-Jacques Rousseau pour l'éducation. En ce demi-siècle épris de science, animé par une bourgeoisie conquérante et convaincue que le progrès technique peut changer la face du monde, l'Encyclopédie popularise le geste et le langage des métiers et, sous l'impulsion de Diderot, déplace peu à peu l'intérêt du public des sciences exactes vers les sciences de l'homme et de la nature. [...]
[...] L'entreprise de Diderot constitue une véritable école du doute. Les opinions, les cérémonies, les fanatismes et les superstitions sont constamment dénoncés, par les biais les plus divers. L'Encyclopédie secoue le joug que d'Alembert appelle, dans le discours préliminaire le despotisme théologique ; elle pose les fondements de l'incrédulité. L'impiété qu'on lit chez Diderot, chez d'Holbach, n'est pas partagée par tous les encyclopédistes ; mais elle s'inscrit dans un vaste projet, celui-ci unanime : Renverser les barrières que la raison n'aura point posées (Diderot, article Encyclopédie Par son refus de l'irrationnel, par son éloge de l'esprit expérimental, l'Encyclopédie célèbre la victoire de la raison. [...]
[...] L'Encyclopédie répond à cette exigence nouvelle : il faut rassembler tous les talents faire appel aux meilleures compétences ; l'entreprise est une œuvre collective ; elle inaugure le règne des spécialités dont les progrès de la science et de la technique allaient tirer si grand profit. L'esprit nouveau qui anime le projet est constamment guidé par le souci du concret. Les encyclopédistes, et au premier rang d'entre eux, Diderot, s'émerveillent du savoir-faire des manouvriers de l'utilité des techniques. Dans quel système de Physique ou de Métaphysique, remarque-t-on plus d'intelligence, de sagacité, de conséquence, que dans les machines à filer l'or, faire des bas, et dans les métiers de Passementiers, de Gaziers, de Drapiers ou d'Ouvriers en Soie ? [...]
[...] Les courants illuministes et occultistes opposent leur spiritualité mystique au rationalisme des Lumières (voir p. 352). Rousseau s'en prend aux thèses de Diderot dans sa Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758) et se brouille avec son ancien ami. Voltaire attaque Le Système de la nature de d'Holbach dans son Histoire de Jenny (1775). La floraison des correspondances, des dialogues (Diderot, Le Neveu de Rameau), des romans par lettres (Rousseau, La Nouvelle Héloïse) témoignent de la forme particulière et de la richesse des échanges d'idées à cette époque. [...]
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