La morale explicite constituée par les deux derniers vers est fondée sur deux antithèses (puissant contre misérable) d'une part (blanc contre noir) d'autre part, instaurant un lien cause-conséquence (Selon que...) entre la stature sociale du prévenu et la sentence prononcée par le Tribunal, alors même que, selon toute justice, la sentence devrait dépendre du degré de culpabilité de l'accusé ?plus le délit est important, plus la peine est grande-. Enseignement d'autant plus pessimiste que la généralisation laisse à penser que cet arbitraire est vérifié systématiquement.
(...) Le renard, loin de confesser ses fautes, va s'improviser l'avocat du lion. Il intervient au discours direct du vers 34 à 43 dans une visée doublement stratégique. Officiellement, son discours disculpe le roi, et mieux transfigure le crime en bonne action. Il instaure ainsi l'arbitraire comme règle du jeu là où le lion avait fixé l'équité comme principe "Que le plus coupable d'entre nous périsse !". Le faisant il se dispense d'avouer ses propres fautes et impose ainsi le paradoxe comme norme. L'éloge que le rusé fait du monarque est évidemment outrancière et redondant "vous êtes trop bon roi", "trop de délicatesse" et cultive le paradoxe qui annonce déjà l'arbitraire de la sentence finale. Apprécions le télescopage dans le vers 38 "En les croquant (...) beaucoup d'honneur" (4/4 octosyllabe) du verbe "croquer" (euphémisme qui minore le pêché royal d'abord désigné par "dévorer") qui atteste du sacrifice des moutons avec le substantif "honneur" qui maquille ce sacrifice en privilège. Le "crime", par une pirouette langagière, devient donc ici une entreprise de salubrité publique puisque ainsi le roi débarrasse le pays de "canaille", "sotte espèce" et met un terme au "chimérique empire" que le berger "digne de tous les maux" se fait sur les animaux (telle est la logique développée par le renard) (...)
[...] Si tel est le cas, le sacrifice de l'âne, en plus d'être scandaleusement arbitraire (voir est, de plus, parfaitement gratuit et donc doublement barbare (justice). Irrationnel (logique). Ou la peste aurait elle, non pas un sens littéral, mais un sens métaphorique. En effet, le registre tragique réapparaît bien dans la situation finale mais transposé : il s'agit du sacrifice de l'âne, sacrifice de l'innocent édicté par la foule à travers un on indéfini qui prononce un arrêt irrévocable, fatal. Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir (vers 61-62) Ainsi la peste qui gangrène la Cour est bien cette hypocrisie qui les frappe tous La Fontaine par le biais de cette fable animalière, dénonce la violence de cette justice de Cour qui garantit l'impunité aux puissants et sacrifie les humbles. [...]
[...] Le souverain participe, sous couvert de superstition. Il n'y a évidement aucun lien logique entre le sacrifice d'un animal et la radication d'une maladie. A la préservation d'un ordre politique et juridique totalement arbitraire. Symboliquement, à travers l'âne, on tue l'honnêteté seule vertu capable de détrôner cet ordre injuste. Conclusion : La fable met en correspondance terme à terme deux antithèses qui soutiennent la morale avec deux binômes d'animaux, assurant ainsi une parfaite cohérence entre le dispositif du procès et l'enseignement pessimiste énoncé dans les deux derniers vers. [...]
[...] Le système d'énonciation privilège le nous (nos pêchés, que le plus coupable d'entre nous / se sacrifie / ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence / état de notre conscience). Du vers 25 au vers le roi, devenu sujet parmi ses sujets, confesse ses propres pêchés. C'est une déposition personnelles marquée par le je pour moi mes appétits gloutons j'ai dévoré que n'avaient-ils fait ? je me dévouerai donc ) Cette allocution, à priori loyale, car l'intervention est immédiatement suivie d'effet. [...]
[...] - Fléau infligé par les Dieux (notion de destinée funeste où l'humanité est accablée par un mal qui la surpasse) céleste courroux le ciel nos pêchés . nécessité d'expier les fautes Je crois que le ciel a permis. Pour nos pêchés, cette infortune. Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux Peut- être il obtiendra la guérison commune Prolifération des négations qui montre le fléau comme spectaculaire dans ses dimensions (nombre de victimes) enrichir en un jour l'Achéron Riche en alexandrins Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés On en voit les points, nulle mets ni loup ni renard plus d'amour, plus de joie L'oxymore mourante vie dessine un monde moribond. [...]
[...] Par ailleurs, ce retard d'identification suscite un commentaire de la part du narrateur : Puisqu'il faut l'appeler par son nom qui paraît facultatif (la peste étant bien une réalité historique au XVIIe siècle) et donc intrigant. Y aurait il ambiguïté quant à la nature du mal ? La polysémie du terme est clairement suggérée ici ! Registre tragique Echo à des récits antiques : - cf. peste qui ravage Thèses dans un canevas Tragique. - cf. références à la mythologie grecque à travers l'Achéron sur lequel s'appuie le discours du lion. [...]
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