Dès le début du roman, Gervaise est prisonnière du milieu du faubourg, entre un abattoir et un hôpital. Elle est abandonnée par Lantier et attend son destin, dans un monde clos et sinistre. La nature est absente de cet univers et Gervaise doit toujours supporter le regard des autres qui l'assiègent et la jalousent.
Elle se sent écrasée face à la grande maison ouvrière aux « murailles grises, mangées d'une lèpre jaune » et dont la promiscuité annonce l'évocation hallucinante des immeubles prolétariens bon marché dans Voyage au bout de la nuit de Céline (...)
[...] La volonté et le travail ne parviennent pas à les tirer d'affaire. Il en résulte la nécessité implicite, pour Zola, de réformes sociales susceptibles de corriger cet univers dégradant dans les domaines du travail, du logement et de l'éducation. En effet, le développement du capitalisme au XIXe siècle paraît plus défavorable à l'ouvrier que les anciennes structures corporatives. Reste la valeur de la peinture naturaliste soulignée par Céline dans un discours d'hommage à Zola prononcé à Médan en 1933 : depuis L'Assommoir, on n'a pas fait mieux Ecrit en haine du goût L'Assommoir est le premier roman, depuis Rabelais et Rétif de la Bretonne, dans lequel on sent l'odeur et la sueur du peuple, on entend la rumeur des rues. [...]
[...] On aurait dit une vraie cérémonie. On célébrait la Sainte-Touche, quoi ! une sainte bien aimable, qui doit tenir la caisse au paradis.» 4. L'enjeu idéologique de L'Assommoir Zola ne peint pas exactement le prolétariat industriel et la lutte des classes comme il le fera dans Germinal. Les militants révolutionnaires sont absents de ce roman qui décrit plutôt la vie des artisans parisiens, même si, à côté du monde de la boutique, des formes de travail moderne (sans la métallurgie par exemple) commencent à se développer. [...]
[...] De plus, fondant ainsi la tradition du roman populiste qui va se développer avec Charles-Louis Philippe, Eugène Dabit (Hôtel du Nord) et Céline, Zola emploie le parler populaire qui choque le bon goût bourgeois. Balzac et Hugo avaient déjà prêté attention à ce langage. Hugo avait raillé le bon goût, précaution prise par le bon ordre (William Shakespeare). Comme Céline plus tard, Zola retient les formes les plus significatives du langage populaire, en évitant toutefois de le restituer exhaustivement. Ce choix contribue à la vérité romanesque, sans se limiter à un simple parler pittoresque. Zola ne distingue pas non plus sa voix de narrateur de celle de ses personnages. [...]
[...] Cette maison est un labyrinthe, et la cage d'escalier un puits noir. Tombée dans la déchéance, Gervaise doit loger dans le coin des pouilleux puis, misérable, s'installer dans une niche sous l'escalier, à la fin du roman. La crasse envahit tout, depuis le tri du linge sale au chapitre jusqu'au moment où Gervaise ne se lave même plus. Outre la boutique de Gervaise à l'air putride, nous découvrons le lavoir où l'on s'affronte à coups de battoir ainsi que L'Assommoir, le café du père Colombe dont nous verrons plus loin la dimension mythologique : travailleur morne, cuisant et muet animé d'un ronflement intérieur, cette machine à saouler exerce une influence fatale sur le milieu ouvrier. [...]
[...] De forme étrange, il distille une sueur d'alcool capable d'inonder tout Paris. Comme le Voreux dans Germinal et La Lison, la locomotive de La Bête humaine, l'alambic est une machine, un ventre à l'intérieur complexe, recélant une vie infernale et ténébreuse, face à laquelle les hommes sont impuissants. L'alambic est une machine-monstre dont les mystérieuses entrailles fascinent : à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain, c'était comme une besogne de nuit faite en plein jour.» D'autres machines-monstres sont présentes, par exemple dans l'atelier de Goujet. [...]
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