Electre est un personnage qui va à l'encontre des lois du régime du royaume sur lequel règne son oncle Egisthe. En ce sens, elle est une hors-la-loi. La transgression implique irrémédiablement la notion d'espace. Ainsi en sortant de l'ordre, elle transgresse l'espace que les autres ont délimité pour elle. La femme est celle que l'on enferme dans des palais, des chambres? A force de tant de connivence entre la femme et le lieu qu'elle habite - ou qui l'habite - l'espace devient d'une certaine manière un prolongement du corps. Au théâtre comme dans les romans, l'espace joue un rôle quasi-actanciel. Il a une fonction sociale, symbolique et structurelle. Le premier espace dont il est question au théâtre est l'espace scénique (...)
[...] Le peu de courage que j'ai me vient de mes semis, de mes boutures. Et quand, de peur qu'elle ne pourrisse, je soulève délicatement une courge sur son lit de feuilles sèches, je comprends un peu mieux pourquoi, jeudi, nous risquons de mourir. Le deuxième jardin dont il est question dans la pièce est celui auquel Oreste fait allusion lorsqu'il évoque son enfance loin d'Electre : Et dire que j'ai vécu à Argos dans un château entouré de jardins Avec l'emploi de l'adjectif entouré qui évoque la séquestration, le jardin devient alors une cage dorée capable de délimiter, à la périphérie du château, l'espace dans lequel peut aller et venir Oreste. [...]
[...] Electre et Pylade ont le projet commun de se servir de ce lieu pour y acculer Egisthe et l'assassiner : Electre : Et même s'il installe deux gardes somnolents sous le porche du jardin, il y aura toujours moyen de l'assommer dans l'escalier de la cave, et de fuir par les carrières avant que l'éveil soit donner. Ce lieu apparaît comme le passage qui mène de l'extérieur vers un intérieur labyrinthique. Avant de pénétrer dans la maison d'Electre et devenir le meurtrier de son père, Oreste était un jeune homme pur. [...]
[...] L'escalier de la cave ressemble à un passage initiatique qui va à rebours des rites de purification. Il appartient à l'espace tellurique, il est sinueux et caché de la lumière. En empruntant cet escalier Oreste se souille, de manière irréversible, à la fois physiquement et moralement : N'approche pas [Electre] : je me suis souillé de poussière dans l'escalier de ta cave Pouah, quel chemin, ce boyau tortillant sous terre ! Le deuxième lieu auquel il est utile de s'attacher est la chambre. [...]
[...] On a d'une part, la chambre d'Egisthe et de Clytemnestre, qui est le lieu de l'intimité par excellence. Electre se met alors à fantasmer sur la scène du réveil des amants: Ah ! Te rends-tu compte qu'elle se lève en ce moment, qu'elle lui parle peut-être du lit, tandis qu'il se penche pour se raser devant son petit miroir ; elle choisit sa robe dans laquelle elle se propose de m'éblouir tout à l'heure, et ils ne se doutent ni l'un ni l'autre qui font leur toilette de condamnés. [...]
[...] On peut en effet penser à la scène où Don Juan séduits deux femmes sur la plage, Charlotte et Mathurine. On peut pousser l'analyse un peu plus loin si l'on considère que la plage peut s'assimiler de manière symbolique à la lisière qui sépare la terre, c'est-à- dire le conscient illustré par Electre, de la mer qui serait à l'image de l'inconscient. En attendant sur la plage, Oreste serait alors dans une quête de soi. La plage et le golfe sont tous les deux des éléments du décor dramatique essentiels. [...]
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