Au simple point de vue de la narration, la structure du poème de Whitman permet d'emblée l'identification d'une certaine vision du monde. La tension narrative est croissante dans les quatre premiers vers où l'impatience du lecteur est habilement provoquée par la répétition du vocable when et par les énumérations que ces vers contiennent. L'irritation culmine au quatrième vers, redondance du premier : elle sera accompagnée par l'exaspération du poète qui, exprimée au cinquième vers, apparaîtra dès lors tout à fait compréhensible et justifiée. Car la catharsis se produit bien au cinquième vers et non au sixième : son ressentiment identifié et nommé, le poète en est aussitôt affranchi. Sa sortie de la salle de conférence, discrète, ne manifeste aucune tension : simplement, il se lève et se faufile – se glisse si on opte pour une traduction plus littérale du verbe « to glide » – à l'extérieur. Le verbe suivant, « to wander off », pourrait être traduit par s'aventurer, mais d'une aventure insouciante plutôt que périlleuse. Le terme implique aussi les notions de dérive et d'errance. On voit donc que la tension, accumulée puis libérée au cinquième vers, s'étiole déjà au sixième. Le ton solennel et lyrique des trois derniers vers marque d'ailleurs une rupture claire avec celui des quatre premiers : l'aversion exprimée au cinquième vers constitue le pivot de cette rupture, autour de laquelle s'organise la vision du monde qu'offre le poème de Whitman.
[...] Une fois la valeur de la poésie affirmée, celle de la connaissance scientifique peut être réexaminée. Il est possible de douter que Whitman veuille rejeter aussi catégoriquement la science. On pourrait croire, par exemple, que le dégoût du poète exprimé au cinquième vers ne soit pas suscité par la présentation de l'astronome mais bien par l'approbation de l'auditoire qu'elle entraîne. L'insistance du by myself[1] viendrait alors glorifier l'individu solitaire au détriment de la foule anonyme. Cette interprétation n'est pas déraisonnable mais on peut difficilement nier que la science soit présentée comme insatisfaisante et insuffisante. [...]
[...] Car la catharsis se produit bien au cinquième vers et non au sixième : son ressentiment identifié et nommé, le poète en est aussitôt affranchi. Sa sortie de la salle de conférence, discrète, ne manifeste aucune tension : simplement, il se lève et se faufile se glisse si on opte pour une traduction plus littérale du verbe to glide à l'extérieur. Le verbe suivant, to wander off pourrait être traduit par s'aventurer, mais d'une aventure insouciante plutôt que périlleuse. Le terme implique aussi les notions de dérive et d'errance. [...]
[...] La virgule qui termine le sixième vers, bien que superflue au niveau de la syntaxe wander'd off, in the mystical moist night air), confère à ces trois derniers vers un rythme calme qui évoque celui d'un battement de cœur ou d'une respiration. Il n'est pas insignifiant non plus que les mots des trois derniers vers soient plus courts. Aux septième et huitième vers, trois mots seulement ne sont pas des monosyllabes (mystical, perfect silence). La poésie reste simple et, au contraire de la science, n'ajoute rien. Sa beauté réside dans cette simplicité. [...]
[...] La connaissance scientifique abstraite semble être rejetée : le poète y préfère le silence. N'y a-t-il qu'un seul postulat que l'on puisse dégager du poème, à savoir que le silence est préférable à la connaissance scientifique ? Il est évident que non puisque le poète, comme l'astronome, utilise les mots pour nous présenter les étoiles. L'usage du langage et de la forme poétique doit alors être justifiée afin d'éviter que la poésie n'ait de valeur que dans son opposition à la science. [...]
[...] L'image suggère plus qu'elle ne signifie, entraînant une série d'interrogations sur la nature du lien entre le poète et les étoiles. Par exemple, le ciel offre- t-il un réconfort ou renvoie-t-il le poète à sa lassitude ? Les qualificatifs de l'air nocturne, qui est mystique et humide, soulignent le caractère insaisissable de la nature physique, qui rend vaine toute tentative d'explication rationnelle. L'emploi du terme mystique suggère aussi que la connaissance du monde la plus exacte dérive de l'intuition, tandis que humide évoque la puissance génératrice de la nature. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture