Voltaire appréciait l'oeuvre du poète italien, l'Arioste et, en particulier, écrivait-il, « ces railleries si naturelles dont il assaisonne les choses les plus terribles ».
Commentant ces propos de Voltaire, un critique contemporain ajoute : « Est-il meilleure définition de L'Ingénu, qui monte si savamment vers la sensibilité et le pathétique, sans renoncer aux charmes perfides du comique ? » Que pensez-vous de ce point de vue sur L'Ingénu ? (...)
[...] De plus, l'interprétation naïve des textes saints par le Huron donne lieu à des situations cocasses. Satire du pouvoir et satire de la casuistique jésuite, avec l'argumentation du père Tout-à-tous, sont servies par toutes sortes de procédés ironiques, qui confèrent à cette œuvre les charmes perfides du comique : bien qu'il soit votre époux en idée, en espérance, il ne l'est pas en effet : ainsi vous ne commettriez pas un adultère Ainsi, après avoir fait de l'amant un mari on efface l'adultère ! [...]
[...] L'Ingénu soulève les questions qui ont toujours préoccupé Voltaire. Au- delà du débat qui oppose Nature et Culture, apparaissent les préoccupations plus voltairiennes, la perception scientifique du monde, la représentation de l'histoire, la persistance du mal, l'impuissance de la métaphysique. Mais surtout, L'Ingénu ébauche une définition de certains droits imprescriptibles de l'homme : la liberté, la dignité, le respect. Œuvre indissociable de l'action menée par un Voltaire luttant pour que les rapports humains reposent enfin sur une reconnaissance mutuelle de ces droits. [...]
[...] Indignation, attendrissement, sarcasme, telle est, en effet, le degré de mobilité psychique de Voltaire, à l'époque où il écrit L'Ingénu. Si donc, la pertinence de l'opinion exprimée par le critique se confirme, il peut être intéressant de repérer en quoi cela reprend la phrase même de Voltaire. Les correspondances entre les deux propositions se prêtent à une étude stylistique, voire à certaines translations mathématiques étonnantes. L'Ingénu pourrait-il alors être considéré comme un miroir de l'œuvre de L'Arioste ? Nous pouvons, en effet, mettre en relation plusieurs syntagmes nominaux et verbaux des deux opinions citées: railleries si naturelles et charmes perfides du comique assaisonne et monte si savamment les choses les plus terribles et sensibilité et pathétique Le sens de raillerie qui s'est dégagé au XVIIème siècle, et qui demeure le sens actuel du mot, est défini par le Dictionnaire Historique de la langue française comme action, habitude de tourner en dérision les gens et les choses Quant au mot naturel il est à opposer à artificiel toujours selon le même Robert. [...]
[...] Mais Voltaire, tout en maniant ironie et raillerie, évite cependant la caricature outrancière de la vie provinciale, dont il taxe pourtant l'hypocrisie. Ainsi, Melle de Kerkabon est présentée comme une femme sensible et généreuse ; de même, le Huron apprend à affiner ses sentiments par la lecture, il aime et pleure avec les œuvres de Racine. En ce sens, L'Ingénu dont la philosophie est de croire en l'altérité et au progrès de la civilisation, est une œuvre de sensibilité : J'ai été changé de brute en homme. [...]
[...] Avant d'émettre certaines réserves sur le point de vue que le critique littéraire a sur l'Ingénu, interrogeons d'abord la pertinence des termes employés et leur importance sur l'échelle des catégories littéraires. Il apparaît, en effet, que le comique se situe tout en bas, laissant progressivement les places les plus élevées (nobles à la sensibilité et au pathétique. Certes, le comique comportant une dévaluation de son objet, semble incompatible avec un idéal artistique de grandeur et d'exaltation telq ue peut l'exprimer le pathétique. [...]
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