Au XVIII siècle, siècle des Lumières, le pamphlet, écrit satirique court et violent qui s'attaque à une personne, une institution ou une doctrine permet aux philosophes tels que Diderot, Montesquieu ou encore Rousseau de défendre une cause sociale ou politique.
Appartenant à ce mouvement d'écrivains engagés, Voltaire qui incarne aujourd'hui le philosophe s'étant opposé à l'intolérance, utilise cette forme pour manifester son ironie et exposer son point de vue.
Ecrit en 1765, De l'horrible danger de la lecture, est un pamphlet voltairien pourvu d'une grande énergie ironique qui dénonce un Etat despotique, obscurantiste dans lequel est favorisée l'ignorance. L'auteur fait ici la parodie des textes explicitant les décisions d'interdiction. Il se place dans le contexte oriental pour composer un édit d'interdiction de l'imprimerie et de la lecture (à ce moment-là l'imprimerie venait d'être introduite en Turquie). C'est un texte construit sur des procédés d'antiphrase systématiques, et sous le couvert des accusations à l'égard de l'imprimerie il faut en voir un éloge. Voltaire critique également les pouvoirs arbitraires qui maintiennent les peuples dans l'ignorance: c'est un plaidoyer pour la diffusion des oeuvres et des idées.
Nous essayerons ainsi de comprendre comment, au sein de ce pamphlet au registre ironique, Voltaire défend l'usage de l'imprimerie et plus largement les idéaux des Lumières concernant le bonheur des Hommes? Pour y répondre, nous étudierons dans une première partie la manière dont le texte nous est présenté en apparence tel un mandement religieux oriental. Puis nous verrons dans un second temps de quelle façon ce texte est une parodie burlesque. Enfin, nous mettrons en valeur les réels enjeux de ce pamphlet qui a bout véritable but la dénonciation de l'obscurantisme et la mise en valeur des idées des lumières.
[...] Sous la plume du pamphlétaire, il s'agit donc d'un orientalisme de pacotille uniquement destiné à révéler les vraies cibles de la critique. Si le nom propre Joussouf-Chéribi a une assonance comique, la date choisie et présentée selon l'éphéméride musulmane se trouve décréditée par le lieu de rédaction Dans notre palais de la stupidité Nous noterons également que l'ironie est utilisée pour créer une complicité avec le lecteur. La fiction orientale permet ainsi de contourner la censure tout en exprimant très vivement une critique qui grâce à la satire du despotisme oriental permet de ridiculiser les travers et les abus de pouvoir dans les mœurs et les institutions françaises. [...]
[...] Comme nous l'avons vu, les références à la religion musulmane sont nombreuses. Toutefois, de nombreuses expressions liées à la religion en général sont utilisées ici. Il est en effet dit : par la grâce de dieu l1; à tous les fidèles l2; nos véritables frères l7 ; proscrire, anathématiser l9 ; la saine doctrine l19 ; les ordres de la Providence l35 ; pour l'édification des fidèles tentation diabolique les vrais croyants l41-42. Cette ambiguïté nous permet ainsi d'agrandir l'angle de vue vers une généralisation : Voltaire ne parle pas seulement de l'islam mais également du catholicisme français qui prône la censure. [...]
[...] Le Nous de majesté contribue de même à créer un certain recul. L'emploi de l'impératif qui est propre au texte de loi est ici utilisé : "ordonnons que" (l3). Il ressort de tout cela le sentiment d'une formulation apparemment objective et donc impartial. En bon magistrat Joussouf-Chéribi rappelle le bénéfice visé par ce rendu de justice. Il explique en effet que c'est pour l'édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes (l21). Le cadre "oriental" Voltaire nous dépeint dans ce texte un cadre oriental. [...]
[...] Voltaire se dégage ainsi de la censure en exploitant toute la gamme de l'ironie. Ce n'est donc pas une condamnation des régimes orientaux autoritaires comme nous pourrions le penser si on ne lit pas ce texte avec assez d'attention. Certains indices justement sont parsemés tout au long du texte visant à avertir le lecteur que ce texte n'est qu'une parodie. B). L'ironie de Voltaire Voltaire reprend en effet l'argumentation de son adversaire pour son compte et ceci afin de mieux en montrer l'erreur et l'absurdité. [...]
[...] Comme nous l'avons vue, l'ironie ici utilisée s'en prend aux pratiques orientales, mais visent en réalité les abus français de la censure politique et religieuse. Les moyens indirects employés permettent sans doute de contourner la censure. En revanche, l'utilisation de l'ironie tout en grossissant les contrastes dans la valorisation apparente de la bêtise, suppose un certain discernement chez le lecteur. Voltaire a ainsi choisi la caricature pour un texte assassin qui révèle des risques en ts tps et en ts pays de l'absence de liberté. [...]
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