Dans une lettre à Suarès du 22 juin 1905, Claudel écrit « les deux premiers actes ont été écrits avant ma conversion et le dernier depuis ». Les actes I et II ont été écrits en 1890, l'acte III en 1891. La publication n'a lieu que dans les 1ers mois de 1893.
En décembre 1889, Claudel a voulu se confesser, mais renonce devant l'exigence de déclarer à sa famille sa conversion. Dans les premiers mois de 1890, sa vie se transforme profondément, puisqu'il est reçu au concours des Affaires Etrangères en février et nommé au ministère même. Mais la révolte demeure.
L'œuvre subit l'influence des milieux littéraires qu'il fréquente un peu (Camille Mauclair, Jules Renard) : l'anarchisme est à la mode. Il avouera plus tard avoir été séduit par ce mouvement et qu'il admirait Ravachol Claudel songe très vite à reprendre son drame, et particulièrement le 1er acte. Il ne s'agit pas de corrections, mais d'une recomposition. Toute cette reprise est dominée par la simplification, le resserrement dramatique. Le travail est achevé en mai 1898. Il est publié en 1901, mais joué à Paris pour la 1re fois seulement en 1955.
[...] Claudel donne la parole aux multiples personnages qui sont en lui : Coeuvre (le poète), Lâla ou la Princesse de TO (l'Eglise), Besme (l'ingénieur que Claudel admire tout en détestant le matérialisme), avare (l'anarchiste). Ces différents personnages ou facettes de Claudel essayent d'affirmer à haute voix leurs désirs et leurs griefs discordants. TO et LV leur laisse le champ libre en vue de "l'épuisement de la conversion intérieure". L'instinct cherche et parle. Il y a donc une exaltation de la parole absolue. Voici l'aveu donné, la communion reçue. Il reste un homme qui sait ce que poursuit le désir, mais non comment l'atteindre. TO meurt aux pieds de la Princesse. [...]
[...] Le corps de la femme devient une fosse et donc se confond avec le paysage : Laisse-moi respirer ton odeur, qui est comme l'odeur de la terre. Un souffle sort de toi (si fort qu'il me défaillir), comme d'une fosse, et d'une tranchée ouverte. O Femme ! ô compagnon féminin ! amère amie 447) Ce besoin de rejoindre la terre trouve son accomplissement avec le personnage de Lambert. Celui-ci, trahi et rejeté par Lâla, a choisi la fonction de fossoyeur et insiste sur l'essentiel du travail qui consiste à ouvrir le flanc de la terre mère : " plein de terreur et de révérence, je regarde la terre et le soleil, et mon souci est d'enfoncer du pied avec force le fer tranchant de la bêche" 449). [...]
[...] Le personnage de Coeuvre est essentiellement le "porte-parole" du poète. Claudel lui prête sa propre conception et sa propre définition de la poésie : O mon fils ! lorsque j'étais un poète entre les hommes, J'inventai ce vers qui n'avait ni rime ni mètre Et je le définissais dans le secret de mon cœur cette fonction double et réciproque Par laquelle l'homme absorbe la vie et restitue, dans l'acte suprême de l'expiration Une parole intelligible. 488) Le poète n'a pas rompu le contact avec la source, même s'il ne sait pas encore lui donner son vrai nom. [...]
[...] Ennui Besme décrit le "bonheur" de la Ville comme "l'odeur insupportable de l'insanité" 315). Ce monde n'est pas le véritable monde parce que l'homme s'est préféré à tout et réduit l'univers à lui. Le monde des outils s'est substitué au monde des choses. C'est pourquoi la figure qui domine ce monde est Besme, l'ingénieur qui manipule la nature. Révélation Cependant, des personnes refusent de faire partie de monde utilitaire (Simon Agnel ou Avare ou Coeuvre) : ce sont des parias, des hommes "de l'étonnement" (cf. [...]
[...] Il a une force vitale plus grande, donc la pensée de la mort ne le quitte pas. Il veut 3 choses : conquérir sa liberté, briser cette Ville qui est une prison, et installer la mort dans un monde qui l'ignore. Regardez la ville des hommes ! Ils bâtissent des maisons de pierres. Et ils y font des chambres et des étages et des escaliers, et ils y mettent un toit, Et ils font une porte en bas ; et l'ouvrier y pose une serrure et le maître en a la clef dans sa poche. [...]
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