L'extrait proposé est issu de l'acte V scène première du Véritable Saint Genest, de Jean de Rotrou, publié pour la première fois en 1647 par Toussaint Quinet et joué à l'automne 1644 à l'Illustre Théâtre.
L'action se déroule lors de la persécution des chrétiens par l'Empire romain. Genest et ses amis jouent devant l'empereur le spectacle des persécutions et la conversion au christianisme d'un des personnages joué par Genest, lui-même récemment convaincu.
A ce moment de la pièce, Genest, le héros, se trouve en prison après avoir révélé son appartenance à la religion chrétienne. Il va être tué pour cela comme nous l'annonce Dioclétian dans la scène 7 de l'acte IV, aux vers 1385 : « Préfet, prenez ce soin et de cet insolent fermez les actions par un acte sanglant qui des dieux irrités satisfasse la haine; qui vécut au théâtre, expire dans la scène. »
Il s'agit, dans cette scène première de l'acte V, d'étudier les stances de Genest. Le mot « stance » vient de l'italien stanza qui signifie « demeure ». Chaque stance a un sens individuel complet et deux stances sont toujours séparées d'un repos. Elles sont composées en strophe. Le contenu est d'ordinaire triste, grave et sérieux. La Mesnardière, dans La Poétique (1639), remarquait que grâce à leurs fréquents changements de mesure « les stances sont beaucoup plus propres à exprimer les passions qui agitent diversement un esprit inquiété, que la taille toujours égale de la mesure alexandrine. ». De plus les stances sont chantées. Elles mettent en place une forme lyrique (dans le sens de « chant » et non d'expression poétique), on a donc un changement de forme d'expression par rapport à la déclamation des alexandrins dans le reste de la pièce. Cette scène prend un nouveau sens, celui d'une pause dans la narration théâtrale. Par ailleurs, il est important de noter dès à présent que ces stances ne sont pas délibératives, il n'y a pas de conflit intérieur ici, pas d'opposition devoir/passion ; ethos/ pathos. Il n'y a pas d'artifice rhétorique, on est dans une tragédie de martyre où la « nécessité » est le sujet même de la pièce. Quel est le rôle des stances dans une pièce qui n'est pas une tragédie mais un mystère chrétien? Comment Genest, qui est sur le point de se faire tuer, condamné pour sa foi, peut-il changer de registre pour chanter sa peine? Que révèlent ces stances? Le problème qu'elles posent est celui de la vraisemblance.
Après avoir étudié la structure métrique des stances de Genest, nous expliquerons quelle est leur fonction, en opérant une comparaison avec les stances de Rodrigue dans Le Cid de Corneille. Enfin, nous tenterons de voir s'il est possible d'opérer une conciliation entre vraisemblance et beauté.
[...] Dans le lieu le plus infect, se trouve Dieu : mise en avant d'un oxymore chrétien. II] : La fonction des stances Le cadre Etant donné que les stances font partie de la structure de la pièce, elles dépendent elles aussi des règles auxquelles les tragédies sont soumises. Ainsi, on peut considérer que les stances sont récitées par un personnage dans un certain temps, dans un certain lieu et qu'elles servent une certaine action. Ici, Genest est placé dans une prison, dans un endroit solitaire, ce qui lui donne le loisir de pratiquer l'introspection : O fausse volupté du monde, vaine promesse d'un trompeur ; Et mon Dieu, dans la peine même qu'il veut que l'on souffre pour lui, quand il daigne être notre appui, ( ) influe une douceur extrême sans mélange d'aucun ennui. [...]
[...] Le problème qu'elles posent est celui de la vraisemblance. Après avoir étudié la structure métrique des stances de Genest, nous expliquerons qu'elle est leur fonction, en opérant une comparaison avec les stances de Rodrigue dans Le Cid de Corneille. Enfin, nous tenterons de voir s'il est possible d'opérer une conciliation entre vraisemblance et beauté. : Structure métrique des stances Le texte se coupe en quatre strophes de dix vers. Habituellement, les stances sont hétérométriques, pourtant ici elles sont isométriques d'octosyllabes. [...]
[...] Hédelin, abbé d'), La pratique du théâtre (1657), Champion Benveniste, Problème de linguistique. Corneille, Le Cid, Polyeucte (1642), L'Examen d'Andromède (1651). Hilgar, La mode des stances dans le théâtre classique. La Mesnardière, La poétique (1639), Slatkine reprints Loukovitch, L'évolution de la tragédie religieuse classique en France Morel, Jean Rotrou, dramaturge de l'ambiguïté, A. Colin, 1968. [...]
[...] Les stances de Genest sont considérées comme l'un des plus beaux passages de la pièce, où l'art du poète Rotrou prend toute son ampleur. Cet exercice de style semble réussi par l'auteur qui pourtant a été accusé de les avoir copiées sur celles du Polyeucte de Corneille, écrit quelque temps auparavant. En ce qui concerne le problème de la vraisemblance, les remarques de La Mesnardière sont appropriées. De plus il ne faut pas oublier que les stances sont parties dans l'oubli peu de temps après. Bibliographie Aristote, Poétique, Le Livre de Poche Aubignac (Fr. [...]
[...] Par ailleurs, il est important de noter dès à présent que ces stances ne sont pas délibératives, il n'y a pas de conflit intérieur ici, pas d'opposition devoir/passion ; ethos/ pathos. Il n'y a pas d'artifice rhétorique, on est dans une tragédie de martyre où la nécessité est le sujet même de la pièce. Quel est le rôle des stances dans une pièce qui n'est pas une tragédie mais un mystère chrétien ? Comment Genest, qui est sur le point de se faire tuer, condamné pour sa foi, peut-il changer de registre pour chanter sa peine ? Que révèlent ces stances ? [...]
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