Une trop bruyante solitude nous introduit dans l'univers de Hanta, manœuvre dont le travail consiste en la compression de vieux papiers au fond d'une cave, à Prague. Le roman se confond avec le soliloque de Hanta : tout au long du récit, Hanta se parle plus à lui-même qu'à nous, lecteurs ; il est seul et vieillissant dans le bruit de son monologue et de sa presse, dans le bruit du passé qu'il fait ressurgir à tout moment, qu'il ressasse, dont il fait son compagnon, le mêlant au présent, alors qu'il se trouve confronté au vacarme d'une société tchèque en pleine évolution, tant au niveau de ses mœurs que de la technologie
[...] Dans mon pays, ces amis lisent tous mes livres. Ecrire c'est toujours travailler seul, c'est toujours traduire une solitude, traduire une solitude bruyante. Mais écrire est aussi un moment de création et donc de liberté : Mon écriture est une sorte de processus psychanalytique. Avec elle s'organise un univers de réflexion, proche parfois de la confession catholique. Ecrire, c'est une manière de me soigner, d'éviter parfois d'aller à l'hôpital. C'est une façon de me sauver. [...]
[...] Ma manière de travailler mélange le reportage et la mythification. Dans cette perspective, les histoires de Hanta et Hrabal se confondent progressivement, ce dernier ayant, après avoir obtenu un doctorat en droit en 1946 à l'âge de 32 ans, exercé divers métiers manuels dont ceux d'ouvrier dans une aciérie puis dans une papeterie. Ce sont ces expériences que Hrabal retranscrit dans son œuvre. Le travail de retour sur soi, sur le passé, le travail de mémoire se trouvent ainsi au cœur d'Une trop bruyante solitude qui évoque un monde s'apparentant à de vieux papiers passés à la presse mécanique de la modernité. [...]
[...] De même, Hrabal se livre lui aussi à un jeu de cache- cache par le caractère insaisissable de son écriture, de ses phrases, des modifications qu'il fait subir à ses textes : tout cela dans le cadre d'une réflexion sur l'indicible et le pouvoir de la littérature après Auschwitz, sur le pouvoir de la littérature à demeurer finalement insaisissable par toute censure. En effet Hrabal a écrit Une trop bruyante solitude en 1976, pendant la période de normalisation soviétique suivant le Printemps de Prague. [...]
[...] Son œuvre est enfin publiée en bloc dans les années 89-91, ce qui provoque une saturation manifeste du côté de ses lecteurs. A ce moment-là ses œuvres n'ont à nouveau plus pour lecteurs que ses amis, et Hrabal s'enfonce dans une irrémédiable solitude qui le mène à la mort, tout comme son personnage Hanta. Hrabal confiait ainsi : Ma préoccupation n'a jamais été d'être publié, mais au contraire d'écrire ce qui devait être public. Ce qui importe avant tout, c'est d'être lu par le cercle des amis qui comptent. [...]
[...] Une trop bruyante solitude semble ainsi à la fois sauver et perdre Hrabal. A la fin de sa vie, Hrabal n'arrivait plus à écrire, il avait perdu toute envie de communiquer : sa mort accidentelle le 3 février 1997 ne peut empêcher de faire songer au suicide, le délivrant peut-être de sa maladie et de sa solitude infinie, bien qu'il soit l'écrivain tchèque le plus connu dans le monde avec Milan Kundera. Une trop bruyante solitude apparaît finalement comme une œuvre magistralement ambiguë : c'est à la fois une descente aux enfers, la spirale qui conduit un homme au suicide, mais c'est en même temps un hymne à la vie : le suicide de Hanta est salvateur. [...]
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