Ionesco a dit : « Je n'ai jamais compris, pour ma part, la différence que l'on fait entre le comique et le tragique. Le comique étant l'intuition de l'absurde il me semble plus désespérant que le tragique. »
Nous pouvons affirmer que les romans de Céline ont un accent tragique, notamment quand il s'agit d'évoquer la guerre. Mais maniant l'humour noir et l'ironie, l'absurde et le burlesque, la truculence verbale et la caricature, Céline est aussi un grand auteur comique.
Nous nous interrogerons sur cette juxtaposition du tragique et du comique - qui semble par ailleurs banale pour Ionesco - dans "Voyage au bout de la nuit".
Pour un roman dans lequel le héros navigue la nuit, le comique peut paraître un thème absurde à développer. Pourtant, à la lecture et, malgré les horreurs et les tragédies racontées, on arrive à rire. Ce rire peut susciter des interrogations : comment Céline arrive-t-il à nous faire rire devant des scènes sombres ?
[...] Ces mélanges, par leur contraste, donnent un effet comique dans une description ou un discours absurde. L'absurde est d'ailleurs le dernier moyen. Ce sont des évènements ou autres choses insensés comme le métier de compteur de puces, lors de l'arrivée de Bardamu aux états unis, ou encore la comparaison d'un corps sans tête à une marmite de confiture. Mais tous ces moyens ne fonctionneraient que très moyennement si Céline ne nous avait pas tout d'abord mis à distance ; car si nous vivions, si nous étions immergés dans l'horreur et le mal du roman, nous ne pourrions rire, du moins sans ressentir un sentiment de culpabilité. [...]
[...] Le tragi-comique est un mélange de tragique et de comique. Le tragique est le caractère de ce qui est funeste, alarmant ou attaché à la tragédie. Deux mots sont suffisants pour caractériser le tragique : le destin et la fatalité. C'est le fait d'avoir, dans un roman par exemple, un personnage dont le destin est irrémédiable. Le comique appartient lui à la comédie, il fait rire. Le tragi-comique est en général utilisé pour dénoncer, lors d'un mécontentement du peuple ; par exemple, on a fait beaucoup de pamphlets sur Marie-Antoinette, pour la caricaturer et ainsi la dénigrer Le pamphlet est un genre littéraire; il appartient à la littérature de combat. [...]
[...] Il dédramatise donc par son humour malgré le fond réel et sanglant de la guerre persistant. La violente critique du militarisme, du colonialisme et du capitalisme qui s'exprime dans ses livres, fait apparaître Céline comme un écrivain proche des idées de la gauche. En 1936, il est invité en URSS, notamment sous l'influence d'Elsa Triolet, à valider ses droits d'auteurs pour Voyage au bout de la nuit (en Union Soviétique les droits d'auteurs étaient bloqués sur un compte en banque qu'on ne pouvait utiliser que dans le pays même). [...]
[...] Il n'aimait pas cela du tout la peur. C'était évident. Et puis ce casque à la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre régiment d'attaque, un régiment qui s'élançait dans la guerre. Il avait l'air de la saluer lui, ce cavalier à pied, la guerre, en entrant. Sous ce regard d'opprobre, le messager vacillant se remit au garde-à-vous les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-là. Il oscillait ainsi raidi sur le talus. [...]
[...] Mais Bardamu aussi en fait beaucoup on faisait la queue pour aller crever Il dit ce qu'il pense, donc généralement une vérité sèche, parfois amusant malgré le contenu affreux de la constatation. Le second moyen est la moquerie ; il s'agit de rabaisser, ridiculiser un personnage, une action où une idée. Le sérieux d'un personnage est diminué par des expressions de langages bas (pendant la guerre, à la mort du général ça avait dû lui faire mal ce coup-là [ ] Tant pis pour lui ! ; c'est une remarque de Bardamu qui ridiculise une action héroïque, car commenté d'une manière absurde. [...]
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