Lorsque Poe fut enterré en 1849, au cours d'une cérémonie réduite à sa plus simple expression, il fut placé dans une tombe sans aucune inscription qui sera progressivement recouverte par les herbes et tomba en désuétude au fil des années. En 1876 le « Tombeau d'Edgar Poe » fut le seul poème français publié dans « A memorial volume ». Ce sera chacune des pierres tombales, dénuées d'épitaphe, qui suscita la sensibilité poétique de Mallarmé, qui traduit, selon lui, l'incompréhension dont Poe fut victime : exploitant ainsi le thème du poète méconnu de ses contemporains et initiant ainsi le titre du poème : « Le Tombeau d'Edgar Poe ».
Mallarmé cherche ainsi à mettre en place sa poésie dans une volonté de perfection linguistique exprimant son idéal poétique face à l'épreuve trompeuse du réel. Maître du symbolisme, il attache de l'importance non tant à la chose elle-même, mais à l'effet qu'elle produit et ce poème semble tout autant traduire l'imaginaire symboliste selon une vision épique qu'un hommage à Poe. Il convient donc de se demander en quoi ce poème restreint-il la pensée et le langage et quel est le sens qu'il dégage à travers l'allégorie du « poète maudit » incarnée par Edgar Poe.
[...] Cette transition semble possible à travers le rapprochement des deux termes selon le matériau : ce granit En effet, il permet d'élargir la comparaison au poète en le plaçant dans le temps. Il montre à jamais sa borne signifie qu'il le place selon une limite intemporelle, à jamais désignant pour l'éternité. Ainsi l'idée de tombeau telle une borne ou un bloc peut être interprété selon l'idée d'un temple, lieu de transition entre le terrestre et le divin, et ainsi lieu du développement de la pensée poétique. [...]
[...] Le cinquième vers débute de manière assez virulente par l'emploi de Eux qui désigne la multitude selon une idée assez vague et impersonnelle, cela entraîne un certain écart du poète à son égard. Il opère ensuite la comparaison de cette foule à un vil sursaut d'hydre l'animal mythologique a plusieurs têtes que du vaincre Héraclès et dont la pluralité des figures renvoi à la foule. En revanche, le défunt poète est à nouveau exposé telle une divinité ; Mallarmé le présente alors comme un ange. [...]
[...] Le terme Lui-même dans le premier vers semble renvoyer à Poe d'une part, mais permet aussi d'élargir à la figure du Poète de manière plus universelle. L'emploi de la majuscule peut renvoyer à une certaine personnification de l'expression. Il place le poète hors du temps, de l'espace et semble immortel. En revanche le fait que l'éternité le change c'est-à-dire qui permet l'accomplissement de la pensée dans sa totalité, mais la confronte en même temps à ses limites : il dévoile l'œuvre du poète, au sens large. [...]
[...] Le poète, être pur et céleste, combat le monstre ignorant aux nombreux visages. Le vers suivant présente ainsi le but de cette lutte : Donner est à comprendre dans le sens d'un gérondif. Il s'agit donc au poète d'attribuer un sens plus pur aux mots c'est-à-dire d'utiliser un vocabulaire commun selon sa simplicité pour traduire cependant le sublime. Ce vocabulaire est donc celui de la tribu qu'il convient de comprendre comme le peuple, selon une tournure péjorative. La forme poétique découle d'un langage tribal que l'écrivain se réapproprie pour en dégager un sens pluriel et ambigu. [...]
[...] Cette représentation du poète par-delà la vie et la mort le présente telle une divinité, que Mallarmé énonce clairement dans la suite de la strophe. En effet, son rôle est de provoquer les sens suscite v.2) du commun des mortels son siècle v. 3). Idée que l'auteur métaphorise à travers l'imagerie biblique du glaive nu qui renvoie à l'ange de l'apocalypse, Verbe de Dieu : de sa bouche sort un glaive acéré, pour qu'il en frappe les nations Le poète, maître des mots, marque la foule par son habileté et sa maîtrise du langage et traduit un combat contre l'ennui commun de tous dans l'expression. [...]
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