Le jeune Georg Lukács a retenu de Hegel l'historicisation des catégories esthétiques. Il cherche à démontrer dans sa Théorie du roman que l'essence de la forme littéraire d'une œuvre est déterminée par les conditions historico-philosophiques de son apparition. Nostalgique du monde de la conscience mythique, Lukács voit dans l'âge de l'épopée le règne de la totalité spontanée de l'être. La philosophie, qui détermine la forme de l'œuvre littéraire, témoigne aussi de la coupure essentielle entre le moi et le monde, entre l'âme et l'action, entre l'existence et l'essence. Le rôle du véritable philosophe sera d'abord de tracer ce portrait archétypal correspondant à la structure de l'esprit hellénique, pour ensuite suivre la transformation des points d'orientation transcendantaux. Bien qu'il ne pose aucun jugement axiologique sur cette « transformation structurelle des lieux transcendantaux », Lukács voit en elle le moteur de l'évolution des formes littéraires et artistiques.
On le voit, la méthode de Lukács, qui s'efforce de préciser la nature du lien entre catégorie et histoire, c'est-à-dire entre transcendance et histoire, affecte les principaux enjeux de la philosophie de l'esprit, de la métaphysique et même de l'éthique. Lukács se retient d'établir comme les néo-kantiens une séparation radicale entre la forme intemporelle et sa réalisation historique. Afin d'éviter une historicisation radicale des catégories qui, en plaçant tout le poids ontologique des formes dans un devenir temporel, supprimerait l'unité essentielle du processus historique, Lukács fixe un critère de permanence à l'évolution dialectique des formes littéraires. Fondée historiquement, cette évolution suit l'opposition dynamique des modes de la totalité.
[...] La théorie du roman de Lukacs Le jeune Georg Lukács a retenu de Hegel l'historicisation des catégories esthétiques. Il cherche à démontrer dans sa Théorie du roman que l'essence de la forme littéraire d'une œuvre est déterminée par les conditions historico-philosophiques de son apparition. Nostalgique du monde de la conscience mythique, Lukács voit dans l'âge de l'épopée le règne de la totalité spontanée de l'être. La philosophie, qui détermine la forme de l'œuvre littéraire, témoigne aussi de la coupure essentielle entre le moi et le monde, entre l'âme et l'action, entre l'existence et l'essence. [...]
[...] En ce sens, elle est totalité d'être en soi achevée, parfaite. Ainsi, les vers d'Hésiode ou de Homère ne sont pas autonomes : ils sont plutôt la copie de cette totalité prise pour modèle. L'aède ne vise donc pas à ce que ses vers créent ou recréent une unité mais son chant reflète une structure transcendantale dans laquelle il n'y a aucune altérité pour l'âme. Lukács estime que l'art ne peut exister que si le monde cesse de se suffire. [...]
[...] Afin d'engendrer cette totalité, l'auteur tragique doit résolument exclure de son œuvre tout ce qui est vivant; c'est d'ailleurs ce que le vers accomplit en opérant une distanciation qui écarte le trivial. L'exclusion réciproque de la vie et de l'essence qui constituait un a priori informateur dans la tragédie grecque peut devenir dans la tragédie moderne shakespearienne objet de l'action au niveau polémique. La totalité comme tâche et le héros en quête Puisque l'essence ne saurait être abolie, la tragédie s'est conservée intacte. Il en va autrement pour la forme épique qui disparaît lorsque l'essence dépouille la vie de sa pure immanence. [...]
[...] La nature des relations sociales, tout aussi étrangère au héros romanesque, lui enseigne qu'il est créateur d'un monde qui est pour lui une prison. Cette prison est du même ordre que le cogito cartésien qui nécessitait l'intervention divine pour créer et soutenir le monde extérieur des objets permettant ainsi au sujet de sortir de son esprit. En l'absence d'un Dieu ou d'une autre forme de la transcendance, Lukács préfère conclure à la suite de Kant que la chose en-soi est réellement inatteignable. [...]
[...] Cinquante ans après la première publication de sa Théorie du roman, Lukács lui-même reconnaissait que sa méthode abstraite l'avait conduit à des constructions arbitraires. Pourtant, il affirmait du même coup être parvenu à une véritable synthèse historique grâce à la véritable esthétique de Marx. Visiblement, l'obsession de la synthèse et de la totalité aura déterminé la pensée du jeune Lukács mais aussi du Lukács marxiste. Cette pensée ne semble pas tout à fait déprise du mythe du progrès érigé en dogme au 18e siècle. En témoignent le caractère infantile que Lukács attribue à l'épopée et la virilité mûrie du roman qui s'y oppose. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture