Le mal est avant tout négation. Il est ce qui est contraire à morale et aux bienséances. Selon les données Platoniciennes, il est aussi ce qui s'oppose par essence au Beau, au Bien et au Vrai, notions auxquelles tout homme doit aspirer. Souvent évoqué sous les traits de Satan, l'ange déchu et renié par Dieu, le mal est fait partie intégrante de l'existence humaine au même titre que le Bien et c'est pourquoi il est l'objet des deux œuvres sur lesquelles porte notre étude. En effet, les deux protagonistes en font l'expérience nécessaire en tuant leurs semblables.
On pourra donc se demander en quoi la découverte du mal, et cela par l'intermédiaire du crime, ultime et vain geste de révolte, engendre un nouveau rapport à soi et au monde qui ne permet pourtant pas d'échapper à la fatalité de la condition humaine.
[...] Cependant, le vrai châtiment ne viendra pas d'une puissance divine, mais plutôt de la société dans laquelle évolue le personnage. Le procès moral débute par une chute dans l'estime sociale. Ces codes que suit la collectivité ont une origine humaine, non pas céleste. La découverte du mal par le crime amène donc à la constatation selon laquelle toute transcendance est impossible, le rachat des erreurs ne doit donc pas se trouver dans une optique religieuse, il est au contraire en l'Homme lui- même. [...]
[...] Sa découverte du mal, sa véritable prise de conscience peuvent être rapprochées de la maladie qui suit son crime. Le mal et la maladie entretiennent donc un rapport ambigu, le corps semble parler à la place de la conscience. Rodia tente par tous les moyens d'oublier l'angoisse qui l'assaille dans les méandres de sa réflexion, notamment pendant ses cauchemars. Mais son organisme, contaminé par le poison qui envahit peu à peu son cœur cherche à l'amener vers une nouvelle lucidité. [...]
[...] Les deux héros semblent alors se faire les prophètes de l'universelle culpabilité. Leurs crimes ne semblent pas être le moteur essentiel de leur condamnation, ce qui importe c'est surtout tout le caractère dangereux que comporte leur acte. On découvre alors en eux des éléments perturbateurs. Au cours du procès, Meursault ne pense pas une seule fois à la victime et les hommes de loi substituent sans cesse la mort de l'arabe à la mort de la mère comme si le décès du premier était sans importance. [...]
[...] Il ne prend conscience de la véritable dimension de son crime que lors de son procès, grâce à l'interprétation qu'en ont fait les autres : J'ai senti alors quelque chose qui soulevait tout la salle et, pour la première fois, j'ai compris que j'étais coupable ».La psychologie des criminels semble plus opaque que transparente, l'action laisse place à la réflexion et aux conséquences de ce geste de rébellion. La découverte du mal est accompagnée d'un certain vacillement. Meursault a conscience que l'ordre naturel de l'univers a été bafoué, la mer et la plage, cadre des jours heureux et symboles d'une harmonie fondamentale deviennent les lieux du crime. Le meurtre bouleverse donc les repères initiaux, il peut, à cause de son impact obscur sur les consciences être considéré comme un acte gratuit mais différents éléments donnent à voir qu'il s'agit également d'un appel à une puissance divine absente. [...]
[...] Cette apparition du mal se révélera ensuite être le moteur du renversement de ces existences même faisant alors office d'instrument de transgression. Enfin, on verra que cette découverte, tout en étant pourtant l'objet d'un châtiment, dépasse son aspect destructeur et malsain pour offrir tout simplement un nouvel horizon, une nouvelle perception de la vie en lui donnant un nouveau sens. Tout crime se définit comme un acte répréhensible, une infraction grâce aux prescriptions de la morale. Il est donc associé à un certain univers auquel les deux héros ne semblent pourtant pas appartenir dans un premier temps. [...]
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