Le sujet du livre à venir se découvre au moment où cesse la narration de la vie. Quand le second mouvement (celui orienté vers l'œuvre) reçoit son objet, il annule le premier de recherche du bien de la vie, ou plutôt en inverse le sens: de progressif, il devient régressif, ce n'est plus la recherche de la vie mais celle d'un vécu plutôt que celle d'un « à vivre ».
Mouvement progressif illusoire dont toute la réalité est celle de la régression qui lui permet de s'écrire. Le héros se laisse aller à la vie en espérant qu'elle le comblera. Mais la déception est inéluctable, car ce qu'il souhaite vraiment ce n'est pas vivre, c'est s'arrêter de vivre et écrire. L'œuvre ne peut être que la signification de la vie vécue, prenant forme et sens en tant qu'un tout achevé. Proust désigne son livre comme un livre unique.
On y trouve des échos de ses autres œuvres comme Jean Santeuil, notamment l'évocation de la vieillesse des parents est une préfiguration de la scène finale où les personnages sont défigurés par le temps. Egalement thème des intermittences du cœur comme figurant une mort incessante de nous-mêmes.
L'expérience proustienne fondamentale est celle du moment privilégié. Idée de vérités de joie cachées dans la nature (cf. observation des fleurs). Comme on vieillit, les sensations s'affaiblissent mais s'étoffent de l'écho de celles du passé. Mais est-ce le passé en tant que tel qui adresse ces signes ? N'est pas l'intemporel qui révèle cette identité du passé et du présent ? Proust perçoit l'ambiguïté de son expérience fondamentale en même temps qu'il la découvre.
[...] Essai de Gérard Cogez sur Le Temps retrouvé de Proust I Naissance du chant Le sujet du livre à venir se découvre au moment où cesse la narration de la vie. Quand le second mouvement (celui orienté vers l'œuvre) reçoit son objet, il annule le premier de recherche du bien de la vie, ou plutôt en inverse le sens : de progressif il devient régressif, ce n'est plus la recherche de la vie mais celle d'un vécu plutôt que celle d'un à vivre Mouvement progressif illusoire dont toute la réalité est celle de la régression qui lui permet de s'écrire. [...]
[...] Il y a un lien entre La recherche et le Contre Sainte Beuve. Sainte Beuve voit dans l'intelligence la faculté maîtresse de l'artiste, il conclut toujours de l'homme à l'œuvre. Or Proust a besoin de croire que l'œuvre repose sur quelque chose qui n'est pas le génie de l'intelligence. Autrement dit avant de commencer son œuvre il a besoin d'assurer la notion qu'il forme de la littérature. La différence est profonde entre la tasse de thé et le pavé : la première réminiscence est celle de la vie du lecteur, antérieure au dessein de l'œuvre, qui lui permet seulement de revivre le passé sans qu'il en devine l'utilisation. [...]
[...] Il donne une valeur essentielle à la contingence. Suspendue à des évènements contingents, la vie du narrateur est une série rigoureuse, si bien que les hasards initiaux prennent une figure de nécessité. Et comme l'évènement est rapport entre moi et l'autre il semble que cette œuvre puisse se définir comme une création de personnages. A la fin, la réunion des personnages résume et figure le destin. Démarche fréquente de déchirement et d'effacement de la perception- connaissance, qui laisse apparaître le pur donné. [...]
[...] Le réel ne cesse jamais d'être un objet à la fois de convoitise et de déception. Mais cela n'empêche pas le héros de toujours vouloir aller vers l'inconnu, de vouloir l'absence au-delà de la présence même quand elle s'annonce comme ruine de la présence. La curiosité douloureuse veut aller au bout moins pour souffrir que pour parvenir au-delà de toute douleur. Le bonheur est possible parce qu'il porte sur un objet séparé de la vie, que l'inachèvement cesse de hanter. [...]
[...] Constante imagerie de la transposition du réel. L'état inspirateur de l'œuvre est présenté comme n'étant pas un état passif. Il sait introduire dans un réel univoque d'autres dimensions que celles de l'ici et du maintenant, une réalité plurielle, comme celle de l'esprit. Le rêve et le souvenir donnent ce que ne donnent pas le présent : cette beauté des lieux, que leur nom promettait. Le rêve est assimilé aux images créatrices ; une sorte de possession inconditionnée du monde est attribuée, au début du livre, à la conscience virtuelle du sommeil. [...]
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