Charles Taylor, Canadien né en 1931, est un des philosophes « communautariens » (MacIntyre, Walzer) qui, dès les années 80, ont tenté de repérer les « faiblesses » minant selon eux les fondements mêmes du libéralisme. Ils soulignent le caractère constitutif des liens sociaux pour l'identité des personnes. Ainsi l'identité de l'individu se manifeste plutôt par une forme de compréhension de soi révélant des attachements communautaires préalables que par des choix volontaires individuels : le sujet communautarien est enraciné, alors que le sujet libéral qui peut sans cesse remettre en question ses choix, est désincarné (ou encore "désengagé", isolé et sans contexte donneur de sens, symptôme du "malaise" de la société moderne - cf Taylor, Le Malaise de la modernité) [...]
[...] Il est cependant nécessaire que le libéralisme procédural (qui conçoit la société comme composée d'individus ayant des conceptions concurrentes de la vie bonne qu'il s'agit d'arbitrer -par des procédures de décision à partir du principe d'une égale et maximale offre de facilités), dominant aujourd'hui, cesse d'occulter les questions ontologiques : c'est en effet à partir de leur prise en considération qu'il faut s'interroger I. sur la viabilité d'un tel modèle, et II. sur son applicabilité ailleurs qu'aux EU. I. Selon la tradition de l'humanisme civique (Machiavel, Montesquieu, Tocqueville), la condition essentielle d'une société libre consiste à substituer à la coercition la vertu citoyenne (définie comme préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre par Montesquieu), c'est-à-dire une sorte de patriotisme (identification à une entité politique commune seule à même de fournir les motivations nécessaires à une autodiscipline). [...]
[...] II. Si les EU correspondent davantage au modèle d'autres sociétés (Canada par exemple) sont plus orientées vers le modèle B. En clarifiant les questions ontologiques, Taylor veut montrer que le libéralisme moderne n'est pas voué au procéduralisme, et peut inclure les sociétés de type B. [...]
[...] Quiproquos et malentendus : le débat communautariens-libéraux Charles TAYLOR in Libéraux et Communautariens, dir. BERTEN, DA SILVEIRA, POURTOIS Charles Taylor, Canadien né en 1931, est un des philosophes communautariens (MacIntyre, Walzer) qui, dès les années 80, ont tenté de repérer les faiblesses minant selon eux les fondements mêmes du libéralisme. Ils soulignent le caractère constitutif des liens sociaux pour l'identité des personnes. Ainsi l'identité de l'individu se manifeste plutôt par une forme de compréhension de soi révélant des attachements communautaires préalables que par des choix volontaires individuels : le sujet communautarien est enraciné, alors que le sujet libéral qui peut sans cesse remettre en question ses choix, est désincarné (ou encore "désengagé", isolé et sans contexte donneur de sens, symptôme du "malaise" de la société moderne - cf Taylor, Le Malaise de la modernité). [...]
[...] Participation citoyenne et patriotisme républicain apparaissent ainsi comme la condition première de la vie bonne. Ceci rejoint la controverse entre deux modèles de capacité du citoyen : modèle A fondé sur la réparation judiciaire (rôle instrumental des institutions) modèle B fondé sur la nécessité d'une participation politique du citoyen. Les EU constituent ainsi un exemple de société libérale procédurale s'appuyant sur une allégeance de type holiste. Le procéduralisme d'un tel régime est cependant limité (neutralité impossible entre patriotes et anti-patriotes), et son évolution (les EU sont devenus au 20e siècle une société moins participative, plus procédurale) est problématique : si les libéraux défendent l'idée de viabilité du patriotisme dans le modèle A (en accord selon eux avec la tradition américaine), les républicains y voient un danger pour la société libre (déstabilisation à terme du patriotisme). [...]
[...] C'est ce caractère procédural que Taylor critique ici comme politiquement non-viable. Cependant en partant d'une analyse en profondeur des termes du débat, Taylor parvient à justifier sa position originale (prise de position favorable à la société libérale moderne, à partir d'une perspective holiste), position qui lui permet de proposer une solution à cette objection de non-viabilité, en suggérant une nouvelle articulation entre la question politique du bien commun et la question éthique de la vie bonne. Le débat communautariens-libéraux est brouillé par une confusion entre le problème ontologique (qui oppose atomistes et holistes sur la question des facteurs susceptibles de rendre compte de la vie sociale) et le problème de la prise de décision (qui propose une gradation individualisme- collectivisme sur la question de l'attitude, des règles morales à adopter). [...]
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