Le titre du roman est un bon point de départ pour une étude du Rouge et le noir : obscur à première vue, il concentre en fait bon nombre des significations essentielles du texte.
Il est fondé sur le principe de l'opposition de deux couleurs, comme Le Rose et le Vert, nouvelle que Stendhal écrira en 1837 : le rouge, couleur connotant le sang, la passion, s'oppose ici au noir du deuil, de la mort. Une des interprétations du titre est liée aux jeux de hasard, où l'on peut miser sur le rouge ou sur le noir (...)
[...] La position du narrateur est donc complexe dans Le Rouge et le Noir. Suivant une stratégie originale, Stendhal crée une figure de narrateur hybride, entre narrateur omniscient et narrateur personnel, entre auteur et narrateur, qu'on ne peut pas prendre complètement au premier degré, mais qui énonce toujours des vérités, explicitement ou à demi-mot. Une telle stratégie permet à l'auteur du Rouge et le Noir de présenter son héros sous un regard mi-critique mi-tendre, qui ne fait que renforcer l'adhésion du lecteur à l'histoire racontée. [...]
[...] Julien doit être aussi un personnage responsable de ses choix et assumant ses désirs. Comme Rastignac dans Le Père Goriot doit choisir entre une vie honnête et quelque peu médiocre, une vie criminelle comme le lui propose Vautrin, une vie d'amour ou une vie calculée et maîtrisée, Julien Sorel est sans cesse sommé de choisir une vie. Son origine sociale semble le déterminer en effet à n'être qu'un domestique, ce qu'il refuse symboliquement dès le début du roman en demandant à manger avec les maîtres de maison chez les Rênal. [...]
[...] Frédéric Moreau, dans L'Education sentimentale de Flaubert, constatera amèrement à la fin du roman que les meilleures années de sa vie furent les premières, lorsque tous les espoirs pouvaient exister, et non la fin de cette vie où il s'aperçoit que ses rêves d'amour ou d'ambition ne se sont pas réalisés. Le jeune héros, projeté dans un monde qu'il ne maîtrise pas, doit faire son éducation. Julien Sorel connaît ainsi nombre de professeurs qui ponctuent sa destinée. Le premier n'est pas son père mais le vieux chirurgien-major qui lui lègue sa Légion d'honneur, ses livres et sa passion pour Napoléon. Le second, plus consistant comme personnage, est le curé Chélan qui lui sert de premier père substitutif avant l'abbé Pirard. [...]
[...] Une complicité se noue entre cette voix narrative impertinente et le lecteur, amusé et séduit de se voir pris à parti. Lorsque Julien est au séminaire, le narrateur indique : Le lecteur voudra bien nous permettre de donner très peu de faits clairs et précis sur cette époque de la vie de Julien. Ce n'est pas qu'ils nous manquent, bien au contraire ; mais peut-être ce qu'il vit au séminaire est-il trop noir pour le coloris moderne que l'on a cherché à conserver dans nos feuilles. [...]
[...] Cependant, la couleur rouge est aussi présente au chapitre V du livre premier lorsque Julien pénètre dans l'église de Verrières. Celle-ci est en effet décorée d'étoffe cramoisie qui crée, à la lumière du soleil, un effet de lumière éblouissant, du caractère le plus imposant et le plus religieux Julien tressaillit à cette vue et s'assoit sur le banc de la famille Rênal. Plusieurs commentaires doivent être faits de ce passage ; en premier lieu, l'église de Verrières est celle, tendue des mêmes rideaux cramoisis, où Julien, à la fin du roman, tentera d'assassiner Madame de Rênal. [...]
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