En 1678, Jean de La Fontaine fait publier son neuvième livre de fables. On y trouve la fable Le Statuaire et la Statue de Jupiter, qui présente un sculpteur si heureux de la vérité du résultat qu'il tombe en admiration devant lui puis est effrayé par la toute puissance dont il l'a doté. Contrairement à de nombreuses autres fables inspirées qui font intervenir tout un bestiaire, il trouve ici son modèle dans un texte inspiré de la mythologie mais qui fait uniquement intervenir l'homme et plus spécialement l'artiste. Inspirée par différents auteurs de l'Antiquité gréco-latine, notamment Horace et Lucrèce, cette fable doit pour l'essentiel à Ovide qui, dans le Livre X de ses Métamorphoses, présente l'amour que Pygmalion finit par porter à la statue de femme qu'il a faite, au point de demander à Vénus de la rendre humaine. Cette fable est construite en neuf quatrains d'octosyllabes. La strophe centrale permet de passer de la fiction (strophes 1-4) au commentaire et à la morale (strophes 6-9.) Poète reconnu, La Fontaine peut s'autoriser une réflexion sur l'ascendant que la créature, en tant qu'illusion, exerce sur son créateur : à l'instar de l'homme qui s'est inventé et s'est soumis à des représentations des dieux, le poète est-il libre face à son acte de création ?
[...] Le problème ne vient pas de l'existence ou non des dieux. Sur ce point Lucrèce est convaincu : les dieux existent mais il faut les honorer et ne pas leur attribuer des caractéristiques humaines ni leur imputer les désordres du monde. La Fontaine reprend les éléments avancés par Lucrèce : l'invention des dieux remonte à des temps lointains, leur représentation est due à des songes et c'est l'homme, pour expliquer les phénomènes naturels qui leur a donné des pouvoirs : en outre, qui n'a pas le cœur serré par la terreur des dieux, les membres contractés par l'épouvante quand, sous les coups terrifiants de la foudre, la terre embrasée tremble de toutes parts et que des grondements traversent l'étendue terrestre ? [...]
[...] Si La Fontaine n'avait pas précisé qu'il s'agissait d'une erreur païenne on aurait pu croire à une critique d'une iconophilie catholique : le dieu Jupiter prend forme humaine dans la statue, elle est en quelque sorte une incarnation figée dans le marbre. Comme Dieu a fait l'homme a son image et que son Fils s'est incarnée, que faut-il penser des représentations de Dieu ? La représentation du fils n'est-elle pas la représentation du Père ? Les Jansénistes que La Fontaine a fréquentés dans les années 1660 n'aiment pas les images. [...]
[...] En 1678, Jean de La Fontaine fait publier son neuvième livre de fables. On y trouve la fable Le Statuaire et la Statue de Jupiter, qui présente un sculpteur si heureux de la vérité du résultat qu'il tombe en admiration devant lui puis est effrayé par la toute puissance dont il l'a doté. Contrairement à de nombreuses autres fables inspirées qui font intervenir tout un bestiaire, il trouve ici son modèle dans un texte inspiré de la mythologie mais qui fait uniquement intervenir l'homme et plus spécialement l'artiste. [...]
[...] Si Jupiter n'est pas un dieu en rapport direct avec le soleil, Louis XIV est un roi guerrier possédant un tonnerre tout terrestre, le premier des rois de l'Europe comme Jupiter est le premier des dieux de l'Olympe. C'est l'inlassable flatterie des poètes, les mensonges du vers 36, et la concentration des moyens artistiques mobilisés pour sa seule gloire à Versailles qui font de lui un dieu vivant. Le rapport de pouvoir est double car ce dieu est aussi une poupée. Il est donc à la fois victime et seul responsable de cette relation de dupe. [...]
[...] Transition, elle fait directement référence au poète, le mettant ainsi au centre de la problématique. Comme le Statuaire qui sculpte le marbre, le Poète sculpte la parole, celle qui manque justement à la statue (v. 12.) Tel Pygmalion, il en use librement comme le montre les vers 3 à 8 où il s'exprime dans un discours indirect. Le créateur est dieu en ce qu'il crée, le ciseau qu'il a dans la main (v. est aussi le tonnerre qu'il place dans celle de Jupiter (v. [...]
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