Il me semble qu'à l'oral, il n'est plus besoin de présenter en détail l'intrigue et la structure particulière de cette œuvre monumentale qu'est le Soulier de Satin. La scène que je vais vous présenter est la 10ème de la seconde journée, et intervient à un moment critique de la relation entre les deux amants Prouhèze et Rodrigue, après l'arrivée insolente de Prouhèze à Mogador et son entrevue orageuse avec Don Camille – Prouhèze qui vient "officiellement" si l'on peut dire de renoncer pour jamais à Rodrigue, et avant la scène où ce même Rodrigue apprendra de la bouche de son rival l'irréversibilité de cette décision, malgré le revirement du roi d'Espagne qu'il était venu annoncer à Prouhèze.
Dans la précipitation du destin en marche s'intercale donc cette scène éloignée, qui voit l'improbable rencontre de Dona Musique et d'un Vice-roi de Naples bien réel, dans une forêt vierge de Sicile –scène qui n'est pas sans rappeler la rencontre de Miranda et de Ferdinand, fils du roi de Naples dans La Tempête de Shakespeare.
Je traiterai en premier lieux de l'importance du langage dans cette scène, tant sur le plan structurel que symbolique, et de ce que cela nous révèle ou confirme sur les personnages; je m'attarderai ensuite sur un point particulier découlant de celui-ci, qui est la dialectique de la Musique, encore une fois d'un point de vue lexical autant que métaphorique, incluant le rôle de l'ouïe qui en est le pendant; enfin je vous exposerai les enjeux dramatiques et moraux qui m'ont semblés majeurs dans cette scène.
[...] M. Dauphiné avait fait la remarque que le X de 10 était fait de deux barres et que 10 était le premier pair à deux chiffres, et que de façon amusante la scène comportait 2 personnages et présentait un caractère particulier de "pause" dans l'avancée narrative. [...]
[...] Elle précisera cela à la scène 1 de la troisième journée, p.220: "Mon Dieu, vous m'avez donné ce pouvoir que tous ceux qui me regardent aient envie de chanter; c'est comme si je leur communiquais la mesure tout bas." Partant de là, le chant de Musique ne doit plus être interprété de façon littérale mais métaphorique; c'est l'harmonie qu'elle amène dans son sillage, incarnée par le murmure des fontaines, le chant des oiseaux, le brouhaha des ports et des villages. (p.87-88) ambiguïté lexicale et sublimation de la musique Dona Musique dans cette conversation joue énormément de l'ambiguïté lexicale entre son nom et l'entité qu'il désigne. Le lecteur est avantagé sur le spectateur par la présence de majuscules lorsqu'elle parle d'elle- même mais à l'oral, dans le passage suivant par exemple, il est ardu de faire la part des choses: "De tout cela la musique est-elle absente? Regarde-moi avant que je ne réponde. [...]
[...] Il me semble que je l'entends. Oh! Comme je serai contente de l'entendre me dire mon nom! Lui seul le sait désormais." Or, elle ne donnera jamais son vrai nom au Vice-roi, de même que le nom du Vice-roi nous restera inconnu; deux personnages quasiment réduits à leur fonction en ce monde: la Royauté et la Musique. psychologie des personnages Tant ce qui est dit dans la scène que la façon de le dire nous confirme l'innocence juvénile de Musique, qui passe aisément d'un babillage sans conséquences à l'expression de l'amour le plus dévoué, se révélant entière en cela qu'elle se donne toute et attend tout en retour; on note à ce propos l'abondance d'impératifs qui parsèment le texte: "promet, dis- moi, ne met pas, n'empêche pas" etc. [...]
[...] Dans notre scène, il est intéressant de noter que c'est le Vice-roi qui amène le sujet et le développe. C'est lui qui évoque p.180 les "3ou 4 voix" du "ruisseau intarissable qui fuit", symbole manifeste du passage de la vie, avant de ravaler ses multiples soucis à "du bruit, seulement" p.182. Par un questionnement habile, Musique l'amène à ouvrir cette "troisième oreille" si j'ose dire, afin qu'il vienne tout seul à partager sa conception. p il entend bien "une faible musique", mais conscient de ses faiblesses et de son humanité, il craint que ce chant ne soit qu'un éclair de lucidité p.184: "que puis-je promettre? [...]
[...] Je traiterai en premier lieux de l'importance du langage dans cette scène, tant sur le plan structurel que symbolique, et de ce que cela nous révèle ou confirme sur les personnages; je m'attarderai ensuite sur un point particulier découlant de celui-ci, qui est la dialectique de la Musique, encore une fois d'un point de vue lexical autant que métaphorique, incluant le rôle de l'ouïe qui en est le pendant; enfin je vous exposerai les enjeux dramatiques et moraux qui m'ont semblés majeurs dans cette scène. I. De l'importance de la langue structure de la scène Du point de vue de la structure de la scène, on peut distinguer deux parties qui s'articulent autour du passage du vouvoiement formel au plus intime. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture