Solitude, rousseau, rêveries du promeneur solitaire, philosophie, littérature, autrui, autre, moi, société, incompréhension, sincérité
Le rapport aux autres est une problématique centrale dans l'œuvre de Rousseau, et particulièrement dans les Rêveries du promeneur solitaire. Dans cet ouvrage, publié par Rousseau à la fin de sa vie, l'étude de la conception rousseauiste de la solitude – thème explicite du livre – paraît essentielle.
Une telle étude se révèle difficile. La nature même du discours de Rousseau semble l'entraver : il est allusif, il tourne autour de son objet. Rousseau fait constamment référence à ses persécuteurs, à un mal qu'il subit, à une situation intenable, à ses ennemis.
Le texte des Rêveries jouit de son statut ambigu : texte destiné par sa mise forme à être publié et pourtant texte intime d'un homme dont toute l'identité repose sur sa solitude. Il se permet d'être allusif, posant non seulement le problème des conséquences existentielles de la solitude sur le philosophe et l'homme, mais aussi celui de la solitude même : qu'est-elle réellement, de quoi est-elle le résultat ? Si le respect naturel dû au texte ne nous invite naturellement pas à remettre en cause le point de vue des auteurs, le flou qui est fait ici autour de la solitude est intriguant et appelle réflexion.
Qu'est-ce donc que la solitude ? En quoi ce promeneur, le Rousseau des Rêveries, est-il solitaire ?
[...] Dans ces conditions, le lecteur ne peut manquer de se demander pourquoi Rousseau a pu subir une destinée si contraire à ses aspirations et à son caractère. Il est étrange chez Rousseau de constater que la solitude n'est ni un bannissement volontaire de Rousseau (un exil politique), ni le résultat de contingences particulières (isolement). Elle est de manière inexplicable liée au rapport de Rousseau avec le monde. Quel statut lui donner ? La solitude semble être provoquée par la recherche rousseauiste de la vérité. [...]
[...] Pourtant, la vérité n'a trait la quatrième promenade le montre qu'aux autres. On ne peut dire quelque chose de vrai ou de faux que lorsque ce que l'on dit a des répercussions sur autrui. En cela, la recherche de la vérité Vitam vero impendenti - que s'impose Rousseau apparaît en inadéquation avec la vie en société. A plusieurs reprises d'ailleurs, Rousseau laisse un flottement sur la nature de la solitude qui naît de sa réputation Il considère comme équivalente sa connaissance par réputation et le délaissement. [...]
[...] Rousseau décrit dans les Rêveries un dilemme déchirant. La solitude est à la fois un constat grandissant de sa propre singularité, et à la fois le rappel de la douleur et de la contrainte qu'il subit en tant qu'homme à la recherche d'autonomie. La solitude est une nécessité par amour de soi et par amour de la vérité, elle est aussi un déchirement. Comment évoquer la solitude, quand elle unit deux réalités si différentes ? Nous remarquerons tout d'abord que la solitude semble être chez Rousseau un adjectif rétrospectif qui est appelé par l'incompréhension que le philosophe ressent de la part du monde. [...]
[...] Rousseau fait à plusieurs reprises dans les Rêveries l'évocation de la substance dont il se nourrit, depuis qu'il vit seul. Il explique- t-il, appris à découvrir et à apprécier la substance qui compose son être je me nourris, il est vrai, de ma propre substance, mais elle ne s'épuise pas huitième rêverie). L'écriture se présente comme un processus de renouvellement et d'exploitation de cette substance qui fonde l'identité de l'auteur. Elle devient nécessaire et permet à Rousseau de dépasser le paradoxe de la sincérité de caractère qui le pousse vers autrui. [...]
[...] Le monde est contradictoire pour Rousseau et de là naît la solitude. Entre la vie masquée avec les autres et la vie solitaire sincère, Rousseau a choisi la seconde, par amour pour la vérité. Ce choix est néanmoins amer, il est porteur d'une violence et d'une douleur, liée à la séparation de l'autre. Quand Rousseau, dans l'incipit des Rêveries, s'interroge : que suis-je moi-même ? Voilà ce qu'il me reste à chercher il pose, après une description du désespoir provoqué par sa solitude, l'unique voie qu'il lui reste à découvrir. [...]
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