Sido est un récit autobiographique publié en 1929. Colette évoque successivement sa mère, héroïne éponyme, puis son père « le capitaine », et ses demi-frères surnommés « les sauvages ».
L'extrait étudié est dans la première partie, il évoque la nature bourguignonne et rend hommage à l'imposante figure maternelle qui a joué un rôle dominant dans la vie de la narratrice, et à l'origine du lion étroit l'unissant à la nature.
Texte :
" Etés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j'aimais tant l'aube, déjà, que ma mère me l'accordait en récompense. J'obtenais qu'elle m'éveillât à trois heures et demie, et je m'en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues etc."
[...] Une profonde connivence avec la nature II. Une relation ambiguë avec la mère On remarque tout déjà le lyrisme de cet extrait : la première phrase caractérisée par un rythme ternaire, ainsi que la reprise anaphorique d' étés mis en exergue par l'assonance en et l'absence de verbes montre le caractère incantatoire de la phrase. Les mots deviennent un appel aux étés passés, l'invocation aux souvenirs d'enfance. Le pluriel d' étés traduit le but qui est de restituer par l'autobiographie des expériences mainte fois réitérées. [...]
[...] L'autre source, presque invisible, froissait l'herbe comme un serpent, s'étalait secrète au centre d'un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe . Rien qu'à parler d'elles je souhaite que leur saveur m'emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j'emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire . Comment l'évocation des souvenirs d'enfance permet à la narratrice de cerner l'ambiguïté de la relation qui l'unissait à sa mère ? [...]
[...] De plus, trois et demi est la moitié de symbole de l'accomplissement parfait dans la symbolique chrétienne. L'extrait n'est pas sans évoquer le jardin d'Eden, l'atmosphère de pureté : bleu originel un espace que l'homme n'a pas encore souillé de sa présence : vers des terres maraîchères Le caractère imprécis de la direction, et le fait que les paniers soient vides traduit la conquête à accomplir, une expérience fondatrice de l'amour pour la nature lié à un moment particulier : l'aube mis en valeur par l'adverbe déjà souligné par la ponctuation, suggère que cet amour a perduré à l'âge adulte. [...]
[...] Elle relativise ainsi son portrait : je l'étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu'à mon retour, et de ma supériorité d'enfant éveillé sur les autres enfants endormis En conclusion, la narratrice revit les moments privilégiés de son enfance. Elle utilise le caractère poétique d'une nature champêtre, pour dissimuler en partie les rapports complexes qu'elle entretenait avec sa mère. Certes, Colette révère sa mère comme elle révère la nature, toutefois elle éprouve le besoin de se détacher d'elle, afin de pouvoir prendre conscience de son propre prix. La figure concurrente de mère nature, l'aide à affirmer son identité à travers le thème, omniprésent dans son œuvre, de la sensualité et de l'indépendance. [...]
[...] On trouve ainsi une métaphore du cadeau, et le verbe accorder donne une dimension particulière à la figure maternelle. La mère est alors une divinité, car seul un dieu peut accorder l'aube en cadeau à l'enfant qui n'est qu'un simple mortel, Sido prend les dimensions d'une déesse de l'Olympe : ma mère me laissait partir montre la difficulté pour la mère d'accepter que sa fille prenne son indépendance, et pour la fillette d'obtenir un peu de liberté. La rivalité latente entre mère et fille est suggérée par la description des deux sources : d'abord comme Gabrielle a du mal à s'imposer, à prendre son essor, L'une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. [...]
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