Dans Fin de partie de Samuel Beckett, pièce rédigée en langue française et représentée pour la première fois à Londres en 1957, tous les personnages mis en scène par le dramaturge connaissent un sort tragique : leur mort (qu'ils attendent, aussi bien qu'elle leur paraît imminente) est inévitable et, pour chacun d'entre eux, des données supplémentaires renforcent l'aspect tragique de leur existence. Mais en quoi Clov et Nell sont-ils des personnages tragiques ?
Comme tous les dramaturges rassemblés sous la bannière du « nouveau théâtre », Beckett refuse un quelconque traitement réaliste de l'action, de l'espace dramatique et des actants. Ces trois données sont donc en quelque sorte déréalisées, de manière à ce que le lecteur ou le spectateur de la pièce soient en grande partie incapables de retrouver le monde réel dans cette œuvre. Mais comment Beckett s'y prend-t-il afin de priver sa pièce de presque tout réalisme ?
[...] Mais, au contraire de Clov, le temps n'a pas seulement causé des dommages à son corps : il a aussi porté atteinte à son esprit. Sur scène, Nell apparaît en effet comme un être dont la mémoire semble avoir subi une amputation comparable à celle qui l'a privée de ses jambes : elle a beaucoup de mal à se souvenir de son passé et ne parvient à se rappeler certaines choses que parce que Nagg, son époux, les évoque en face d'elle au préalable et les lui fait donc redécouvrir NAGG. [...]
[...] Lorsqu'il a rédigé Fin de partie, l'intention première de Beckett n'était pas de faire du réalisme : la seule chose qui l'intéressait était de représenter sur scène l'idée qu'il se faisait de la condition humaine. Dès lors, puisque la rédaction de son œuvre avait pour origine une idée aussi précise, l'écrin et son possible traitement réaliste n'importaient guère. Personnages abstraits représentés au milieu d'un espace dramatique abstrait, Hamm, Clov, Nagg et Nell n'en expriment pas moins chacun à leur manière des idées et des sentiments bien proches des nôtres. [...]
[...] Mais comment Beckett s'y prend-il afin de priver sa pièce de presque tout réalisme ? C'est peu dire que les actants de Fin de partie s'écartent des êtres de la vie réelle. Si Hamm est sans doute le personnage le plus réaliste de la pièce, ce n'est en revanche guère le cas de Clov, Nagg et Nell. Clov est un vieillard qui pour une raison étrange et indéterminée n'est plus en mesure de plier ses genoux Je ne peux plus m'asseoir page et, alors même qu'il est en vie, son corps dégage une odeur semblable à celle d'un cadavre Tu empestes l'air ! [...]
[...] On le voit, dans Fin de partie le temps qui passe tragifie l'existence de Clov et de Nell : il est en effet une force implacable qui ruine le corps et pour Nell, l'esprit. Nell dont la fin est particulièrement tragique : à la manière des héroïnes malheureuses des tragédies de l'Antiquité, héroïnes contre lesquelles s'acharne une fatalité implacable, elle finit empoisonnée par son fils Hamm CLOV (retournant à sa place à côté du fauteuil.) [Nell] n'a plus de pouls. [...]
[...] Dans Fin de partie Nell est sans aucun doute le personnage tragique par excellence : après que le temps ait porté atteinte aussi bien à son corps qu'à son esprit, à la manière des héroïnes tragiques de la mythologie elle est la proie innocente de forces mauvaises qui ne lui laissent aucune chance de réchapper à la mort. A cet égard Clov est plus chanceux : même si sa destinée est elle aussi tragique (vieillard proche de la mort, c'est également un serviteur aliéné), à la fin de la pièce il a la possibilité d'opter pour son départ de chez Hamm même si Beckett laisse planer le mystère quand à la concrétisation de cette décision Corrigé de la question 2 Plan : Introduction. Partie I : Des actants irréalistes. [...]
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