Le XIX° siècle apparaît comme une période d'autorité absolue de la science, et à travers elle de la raison. En effet, le grand mouvement philosophique de ce siècle, le positivisme, ne laisse aucune place à autre chose que la raison, c'est-à-dire que l'intelligence est première pour toute connaissance. « Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question ». Cette phrase d'Auguste Comte, chef de file du positivisme, résume tout à fait cette prépondérance de la raison dans la fondation des connaissances. Or, une critique de l'intelligence et de la raison va émerger à partir de la fin de ce siècle, critique de laquelle va naître un moment philosophique dont le problème central sera le problème de l'esprit. Cette critique de la rationalité scientifique peut être illustrée notamment par Bergson : En critiquant la science en ce qu'elle nous masquerait le temps réel de la vie, il montre que quelque chose échappe à la science. Et c'est précisément cette « chose » qui va conduire à la définition de ce qui va être nommé « esprit ». Ce problème philosophique, représenté également par Alain ou Brunschvicg, tente de définir la place de l'esprit dans les actes scientifiques, politiques ou artistiques par exemple. C'est d'ailleurs la question de la place de l'esprit dans l'art qui fait qu'il semble possible de dire que la critique de l'intelligence de Proust entre dans cette tentative de compréhension des actes de l'esprit.
Il peut paraître erroné d'évoquer Proust à propos d'un moment philosophique. Néanmoins, il est indéniable que son œuvre participe de ce moment, et notamment son Contre Sainte-Beuve. En effet, dans le Contre Sainte-Beuve, écrit de 1908 à 1910 (ce n'est donc pas une adhésion à un mouvement par la suite mais une véritable adhésion au moment 1900), Marcel Proust propose une critique de la méthode de l'écrivain et de la critique de Sainte-Beuve en général. Cet ouvrage, qui ne devait être au départ qu'un article pour le Figaro, représente réellement l'apport de Proust à la critique de la rationalité et de la science. En effet, la méthode de Sainte-Beuve est, pour Proust, révélatrice de l'erreur que l'on commet lorsque l'on juge par l'intelligence seulement. A travers sa critique de Sainte-Beuve, notamment en opposant son propre point de vue sur des écrivains que Sainte-Beuve dénigre ou ignore, Proust nous montre les limites de l'intelligence et applique à la littérature le problème majeur du moment 1900, le problème de l'esprit.
[...] mais certainement pas la portée de tels vers. Sainte-Beuve n'a tout simplement pas réussi à recréer en lui le moi profond de l'auteur, qui lui demeurera donc inconnu s'il continue à juger l'œuvre par la raison. Le jugement esthétique ne doit donc souffrir d'aucune contrainte rationnelle, dans le sens où celles-ci le brideraient dans la tentative du lecteur de recréation du moi profond de l'auteur. Le lecteur doit se laisser guider par ses sensations et non par ce qu'il croit connaître. [...]
[...] Cet exemple anecdotique est en fait une leçon de jugement esthétique par excellence. La philosophie de Proust y est résumée : ce n'est pas l'intelligence qui nous fera trouver admirable tel ouvrage ou telle sonate, et elle est même bien incapable de nous les faire découvrir, cependant elle est nécessaire pour nommer nos émotions et les définir. On comprend ainsi que le rôle de la raison dans l'art est en effet inférieur mais qu'il est nécessaire. La conception proustienne de l'intelligence est donc compréhensible dans le sens où ce n'est pas notre intelligence qu'il faut cultiver pour juger esthétiquement. [...]
[...] Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust Le XIX° siècle apparaît comme une période d'autorité absolue de la science, et à travers elle de la raison. En effet, le grand mouvement philosophique de ce siècle, le positivisme, ne laisse aucune place à autre chose que la raison, c'est-à-dire que l'intelligence est première pour toute connaissance. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question Cette phrase d'Auguste Comte, chef de file du positivisme, résume tout à fait cette prépondérance de la raison dans la fondation des connaissances. [...]
[...] C'est-à-dire que la littérature ne se fait pas par l'intelligence et par conséquent il n'est pas question de la juger rationnellement. Proust s'accorde à Sainte-Beuve sur les objectifs de la littérature, en l'occurrence qu'elle fait connaître l'homme. Mais leurs moyens divergent et Proust s'oppose donc sévèrement au jugement esthétique de Sainte-Beuve et en particulier à sa méthode qui aboutit, non pas au jugement d'une œuvre mais à un jugement individuel. La méthode de Sainte- Beuve ne permet pas d'atteindre l'universalité esthétique et c'est pour cela que Proust la combat. Précisément parce qu'elle n'est pas esthétique. Elle est factuelle indubitablement. [...]
[...] Les réminiscences proustiennes sont bien souvent galvaudées dans la conversation courante : la fameuse madeleine est connue de tous mais sa portée est bien plus grande qu'un simple souvenir d'un goût d'enfance. Or, il ne s'agit pas d'un simple souvenir, d'une banale évocation d'un passé bel et bien révolu. Il s'agit de la vie pure conservée pure Proust commence sa préface par l'explication de ce phénomène qui fait qu'une sensation impromptue réveille à un moment inattendu des moments passés que l'on souhaite retrouver mais qui ne pouvaient revenir totalement, qui n'étaient en fait que des souvenirs et non la vie elle-même. [...]
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